12 mars 2020
Dans :
Coups de gueule
Par :
FLaurent
Tout le monde – et surtout les
jeunes – connaît Yuka, « l’application mobile qui permet de scanner les produits
alimentaires et d’obtenir une information claire sur l’impact du produit sur la
santé ».
Tout le monde la connaît et
5 500 000 consommateurs l’utilisent chaque mois : rien
d’anecdotique, mais aussi une source de bien des tracas pour bon nombre d’industriels
de l’alimentaire qui sous performent dans les résultats.
Et quand la startup qui a lancé l’application
publie sur son blog : « Évitez
au maximum la consommation d’aliments ayant été en contact avec l’aluminium (canettes
de soda, légumes de conserve, etc.) », la Fédération française des industries des aliments conservés voit
rouge et l’attaque en justice … et gagne !
Bien sûr, la presse relaie la
condamnation : « Le tribunal de
Versailles vient de condamner l’application de notation des aliments Yuka pour
« dénigrement » des boîtes de conserve », rapporte ainsi Ouest
France ; ou encore « Yuka,
une application populaire qui note les aliments, a été condamnée à verser 3 000
euros à la Fédération française des industries des aliments conservés »,
pour France
Info.
Sauf … que ce n’est pas l’application
qui est en cause, mais un article de blog : en aucun cas, le tribunal n’a
remis en cause la qualité de cette dernière !
On passera sur le côté « à peu près » que l’on
retrouve sur la plupart des sites de presse – je n’oserais pas dire que bien
souvent les journalistes sont des spécialistes du « copier coller » … pour se poser la VRAIE question :
à qui profite, sinon la condamnation, du moins sa diffusion ?
A la conserve ? Que nenni !
« Si les consommateurs se détournent des conserves, c’est aussi à cause de l’image parfois négative qu’elles véhiculent » : ce n’est pas moi qui le dit – pas envie de me voir ester en justice par la Fédération française des industries des aliments conservés pour dénigrement – mais LSA.
Donc, d’un côté, un produit dont l’image
ne semble pas au top ; et de l’autre, une startup dont l’application est
plébiscitée par des millions de consommateurs, souvent jeunes, qui vont voir
que LEUR appli a été attaquée en justice par un gros lobby : l’éternelle
histoire du pot de terre contre le pot de fer … qui dans l’imagerie populaire
profite toujours au plus faible.
La plupart des gens ne liront pas en entier les articles de presse évoqués … et l’image de la conserve s’en trouvera encore plus écornée ; quant aux autres, ils verront qu’on y parle de généralisation abusive … ce qui signifie qu’il y a malgré tout quelque-chose de suspect.
Bref, une image de marque dégradée
versus un capital de sympathie renforcé : devinez qui, en termes
marketing, est vainqueur ?
Alors, la conserve devait se faire
dénigrer sans réagir ? Peut-être pas … mais commencer par nouer le dialogue,
c’est pas mal aussi, avant le marteau-pilon !
Après, pour parler d’approximations
ou de généralisations aboutissant au dénigrement, certains sites de presse sont
plutôt pas mal : l’Opinion
par exemple, qui écrit :
« Une
application qui permet, en scannant le code-barres d’un produit au supermarché,
de savoir ce qui les compose apporte une réponse. C’est très positif.
« Le
problème ce sont les bases de données sur lesquelles s’appuie Yuka pour faire
tourner ses algorithmes et donner des notations. Et au-delà, sans doute, le
poids qu’a pris cette application dans l’appréciation qu’ont les consommateurs
de ce qu’ils achètent.
« Explication
: Yuka vient d’être condamné pour le tribunal de Versailles, le 5 mars 2020,
pour dénigrement, et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Pas tant
pour son application que pour ce qu’il racontait sur son site Internet ».
Que viennent faire les « les bases de données sur lesquelles s’appuie Yuka » au beau
milieu de tout cela ? Le titre précise pourtant un peu plus loin que Yuka a été condamné : « Pas tant pour son application que … ».
« Pas tant pour » constitue bien une forme de dénigrement puisque l’application n’a en aucun cas été mise en cause … mais l’expression utilisée ici semble bien, dans la langue de Voltaire, induire comme un doute.
Quant aux bases de données, Yuka s’est
longtemps appuyé sur Open
Food Facts, « un projet
collaboratif en ligne et mobile dont le but est de constituer une base de
données libre et ouverte sur les produits alimentaires commercialisés dans le
monde entier » ; depuis elle est principalement alimentée par les
contributions des mobinautes à travers l’application, et les industriels eux-mêmes
via la plateforme Alkemics : tout
cela est transparent, si l’Opinion
voulait bien se donner la peine de creuser !