Culture(s) Archives - Marketing is Dead
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Culture(s)

We could be heroes

Toujours très exaltant pour un artiste de rentrer au Panthéon de son vivant, surtout quand il y arrive en fanfare, comme ce fut le cas hier pour le jeune artiste Raphaël Barontini lors de l’inauguration d’une exposition évoquant l’histoire et la mémoire des combats contre l’esclavage.

L’artiste a conçu une installation monumentale composée d’une haie d’honneur d’une dizaine de bannières mettant en lumière diverses figures héroïques de ladite lutte contre l’esclavage, tandis que les transepts nord et sud accueillaient quant à eux deux œuvres textiles panoramiques suspendues en partie haute des colonnes.

Haie d’honneur et panoramas constituaient les deux premiers éléments de son œuvre, que complétait un troisième temps performatif sous la forme d’une procession de carnaval antillais. Une performance réalisée en collaboration avec des musicien.es, étudiant.es, vidéastes pour activer les œuvres textiles et picturales installées dans le monument, afin de rendre vivante la mémoire de ces luttes.

Barthes dans S/Z expliquait qu’une création n’existe qu’au travers de sa réécriture par celui qui la découvre : et ici, elle naissait pour les spectateurs non des seules œuvres textiles et de leur association performative, mais de leur confrontation avec les lieux mêmes de l’exposition.

D’un côté, des quasi inconnus, sinon des historiens ; de l’autre, un lieu où se célèbre l’élite de la république, des noms prestigieux à jamais gravés dans nos mémoires. Pour le spectateur lambda que j’étais, le génie créatif semblait provenir tout autant de l’artiste invité et de ses complices artistes – musiciens, couturiers, danseurs – que de la puissance invitante – le Centre des monuments nationaux – qui avait su provoquer la confrontation entre des figures historiques si différentes.

Le titre de cette exposition : « We could be heroes », ne peut qu’évoquer David Bowie : « We can be heroes for ever and ever » : pour toujours, les révoltés de l’esclavage côtoieront les gloires de la république.

Exposition présentée au Panthéon jusqu’au au 11 février 2024.

C’est comme ça … hélas

J’aurais dû me méfier quand j’ai lu sur le programme : « Un 4ème acte, un regard sur l’histoire » et « je pousse plus loin la comédie de Pirandello en adaptant la pièce originale » !

Nouvelle traduction, la pièce de Pirandello ne s’appelle plus À chacun sa vérité, mais C’est comme ça (si vous voulez) ; je relis la traduction de ma vieille édition du Théâtre complet, de la Bibliothèque de la Pléiade – qui date de mes années universitaires – elle n’était pas si mal.

La nouvelle non plus, et je savoure avec béatitude une des pièces les plus intéressantes d’un de mes auteurs fétiches, avec Ionesco : là où ce dernier pousse l’absurde dans ses derniers retranchements, l’italien nous plonge sans cesse dans un monde où s’entrecroisent folie et illusion … à un tel point qu’on ne sait si l’on devient fou comme Henri IV ou que la véritable folie serait de croire que le monde ne l’est pas, absurde et fou !

Le plus téméraire étant de croire que l’on peut discerner ce qui est sensé de ce qui ne le serait pas : tel est même le propos d’À chacun sa vérité.

Et donc tout se déroule merveilleusement jusqu’à ce qu’après avoir successivement épousé les points de vue de Madame Frola (mon gendre est fou) et de ce dernier, Monsieur Ponza (ma belle-mère est folle), l’on convoque la fille/épouse pour une ultime tentative de découvrir la Vérité – avec un grand V …

Et que cette dernière affirme : « je suis bien la fille de Madame Frola … ET la seconde épouse de Monsieur Ponza », précisant même : « pour moi, je ne suis personne ! personne ! Je suis celle qu’on croit que je suis ».

La pièce se termine sur ces mots, laissant le spectateur dans un immense sentiment de détresse : impossible de discerner le vrai du faux, tout est vrai ET tout est faux … tout à la fois !

Et voilà que Julia Vidit, qui dirige le Théâtre de la Manufacture, le CDN de Nancy, nous inflige son commentaire de texte, avec la complicité de Guillaume Cayet qui se permet d’écrire un 4ème acte : « Nous recolorisons le passé » … rien que ça.

Alors, pour se débarrasser de la subtilité d’un Pirandello qui ne cesse de nous conduire d’impasse en impasse, dans une pièce qui semble figée dans un espace-temps engluant, on pousse les décors, on convoque un tueur à gages pour liquider l’encombrante famille Frola-Ponza, avant qu’une « Milicienne de la vérité » – si, si, rien que ça – ne vienne réclamer son coupable – et zou, ce sera le malheureux beau-frère du conseiller de préfecture qui partira pour un échafaud populaire – avant que la fille dudit conseiller ne vienne flinguer ce qui lui reste de famille – et je passe sur des scènes étranges, comme une de cannibalisme !

Tout ça en une bonne ½ heure, histoire de bien mettre les points sur les i … et détruire la magie Pirandellienne !

Pourquoi vouloir refermer des portes que l’auteur laisse volontairement ouvertes ? Pourquoi vouloir expliquer ce qu’il convient de comprendre d’une pièce qui nous dit … qu’on ne peut pas comprendre ? Nous faire toucher du doigt LA vérité, au terme d’une pièce qui nous dit que la vérité – la vraie – n’existe pas !

C’est même là toute la modernité de Pirandello : le monde n’existe qu’au travers des regards que nous lui portons ; autant de mondes que de regards !

C’est injuste pour Pirandello : il ne méritait pas une telle exégèse …

C’est injurieux pour le spectateur : la metteuse en scène veut nous dicter ce qu’on doit comprendre, comme si nous, pauvres spectateurs, nous n’en étions pas vraiment capables !

C’est aussi ignorer que, in fine, le véritable créateur du spectacle, ce n’est la metteuse en scène, mais … celui qui y assiste, bien calé dans son siège ! C’est ce nommait Roland Barthes dans S/Z : l’art du scriptible.

La littérature moderne – contrairement à la classique – laisse suffisamment de portes ouvertes pour faire du lecteur un producteur de ce texte : c’est bien en ce sens que Pirandello est un des auteurs les plus « modernes » de la littérature européenne.

En refermant les portes, la metteuse en scène dénie au spectateur tout statut de scripteur pour le rendre définitivement passif … juste l’inverse de ce qu’aurait souhaité Pirandello : il n’y a pas que les traducteurs qui soient des traitres !

Une playlist pour le confinement

Comme bien des gens, j’éprouve en cette période de 2nd confinement – et certainement pas dernier – comme une sensation d’insécurité, de froid – d’angoisse ; me reviennent alors les paroles d’une vieille chanson de Pink Floyd, Astronomy Domine, composée par Syd Barrett – le guitariste improbable, capable de passer un concert entier à ne jouer qu’un accord :

Lime and limpid green, a second scene
Now fights between the blue you once knew
Floating down, the sound resounds
Around the icy waters underground
Jupiter and Saturn, Oberon, Miranda and Titania
Neptune, Titan, stars can frighten

Sinon, quelques groupes plus actuels, ou du moins quelques albums sortis cette année 2020, pèle mêle :

  • Sci-Fi Sky, de Lebanon Hanover, de la « cold wave minimaliste » comme disent les spécialistes, 6ème album du duo anglo-suisse : William Maybelline et Larissa Iceglass ;
  • Cell-0, d’Apocalyptica, en attendant leur concert au Zénith avec Epica, reporté à avril 2021, groupe finlandais interprétant leur « heavy metal » au violoncelle ;
  • Beyond The Pale, de Jarv Is, le nouveau groupe de Jarvis Cocker, pour les nostalgiques de Pulp ;
  • Nostalgie encore avec Homegrown, enregistré par Neil Young en 1975, mais jusque-là resté inédit ; ou Rough and Rowdy Ways, 39ème album studio de Bob Dylan – deux disques sortis en plein 1er confinement ;
  • A Hero’s Death, des irlandais de Fontaines D.C., groupe « post-punk » de Dublin – D.C. pour Dublin City ;
  • For Their Love, d’Other Lives, des américains, originaire de Stillwater, en Oklahoma …

Bien sûr, j’aurais pu ajouter quelques autres perles de l’année avec Put the Shine On, de CocoRosie des sœurs Bianca et Sierra Casady ; Have We Met, des canadiens de Destroyer ; Serpentine Prison, de Matt Berninger ; ou encore Working Men’s Club, jeune quatuor de Manchester pour leur album éponyme …

L’Académie malade du Covid-19

J’ai toujours eu de l’Académie Française une image de vieux messieurs ronchons … et j’avais tort : ma vision est sexiste, l’institution fondée par Richelieu comprend aussi des dames … certainement tout aussi ronchons (ronchonnes ?) !

Maintenant grâce à Valéry Giscard D’Estaing, on sait que ces vieux messieurs aiment bien passer la main aux fesses des dames … surtout quand ce sont de jeunes journalistes allemandes : on consacre le rapprochement franco-allemand comme on peut !

Ces plaisanteries mises à part – quoique dans le dernier cas, il semble bien que ce n’en soit pas une –, l’Académie Française se targue de constituer l’ultime rempart de la langue française – pardon la Langue Française – contre le – ou plutôt les – barbarismes : ce sont ces braves gens qui établissent comment nous devons parler … si nous souhaitons correctement deviser entre honnêtes gens et non bafouiller le galimatias des banlieues – car c’est bien connu, les jeunes des banlieues sont incapables de jacter compréhensible.

Quoiqu’il en soit, en entendant dans le métro une voix anonyme annoncer que la RATP prenait soin de ses passagers dans sa lutte « contre le Covid-19 », je me suis dit : « Diantre, voilà que la RATP commet des fautes de français ! Mais où va notre beau pays ».

Car on ne doit pas dire « le Covid-19 » mais  « la Covid-19 » : ainsi en a décidé l’Académie Française le 7 mai 2020 : « Covid est l’acronyme de corona virus disease, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation », précise-t-elle même ici.

Donc poursuit l’honorable société : « on devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie » ; mais elle souligne en passant que l’on « aurait pu préférer au nom anglais disease le nom latin morbus », histoire de faire un peu plus pédant.

Petite remarque en passant : si « disease » se traduit bien en français par « maladie », « Covid-19 » n’est pas l’acronyme d’une expression française incluant le mot « maladie », mais d’une expression anglaise et le terme « disease » n’est pas féminin, mais … neutre !

Manque de bol, le neutre est rarissime en français – même si pas totalement absent – et de toutes façons, il ne s’applique pas aux noms ; cela étant, le neutre existait en latin – ce latin si cher aux doctes académiciens – et ce neutre a souvent abouti en français moderne à … des masculins : « templum » a donné « temple ».

Mais surtout, une langue n’existe qu’au travers de ses dires : ce n’est pas une construction abstraite, codifiée et figée, comme les langages informatiques ! Une langue vit, se développe, et la langue française existe en totale indépendance de l’Académie : cette dernière ne peut que constituer – ou ne devrait que constituer – le réservoir d’une multitude d’expériences cumulées.

L’Académie ne devrait être que l’héritière de nos usages – et non le Père Fouettard prêt à sanctionner les dérives ; car ce sont ces dérives qui font une langue, qui caractérisent l’objet de leurs travaux : plutôt que de les condamner, ils devraient les applaudir.

Et se poser la nécessaire question de la masculinité du Covid-19 : pourquoi spontanément les Français ont-ils utilisé ce genre, quelles valeurs y attachent-ils, etc. La non féminité de la pandémie, voilà un sujet d’analyse intéressant dont, on s’en doute, les ronchon.ne.s ne se saisiront pas.

Gutenberg et l’ebook

« Bientôt, à l’école il n’y aura plus de livres – et on s’étonne de la « baisse du niveau » », se lamentait récemment le chroniqueur Thomas Clerc dans Libération : certainement aurait-il enseigné à l’époque de Gutenberg, se serait-il plaint de la disparition des manuscrits enluminés …

Le monde évolue trop vite pour d’aucuns qui se laissent piéger dans des époques révolues : ce n’est pas parce que le livre fut longtemps synonyme de savoir, que son statut doit demeurer intangible – éternellement figé comme le garant ultime de la connaissance.

Quand le susnommé Thomas Clerc était sur les bancs de l’Université avant que d’y enseigner, on se plongeait avec délectation dans les encyclopédies papier pour grossir ses connaissances ; aujourd’hui, on surfe sur Wikipédia et grâce au jeu des liens hypertextes, on rebondit d’articles en articles.

Et comme l’a démontré la revue scientifique Nature, dans leur version anglaise, les contenus de l’encyclopédie libre se situent à un niveau de précision proche de celui de l’Encyclopædia Britannica … qui comme toutes les encyclopédies « classiques » n’est pas exempte d’erreurs !

La culture digitale n’est pas la culture livresque, tout comme la culture livresque n’est pas LA culture … qui n’existe pas vraiment : il n’est que DES cultures, et rien ne prouve que la nostalgique de Thomas Clerc soit meilleure qu’une autre.

Toute nouvelle culture nécessite pour les habitués à l’ancienne un double effort d’apprentissage et d’adaptation : il faut accepter de perdre ses repères – ou du moins d’en envisager d’autres – et reconsidérer un système de valeurs dont on se satisfaisait parfaitement jusque-là : plus simple de rejeter en bloc la nouveauté, nettement moins fatiguant !

Une nouvelle culture, c’est aussi un modèle économique nouveau : le monde de la musique a été précurseur en la matière, certainement parce que ce sont les adolescents qui ont accéléré le mouvement dès le début des années 2000 avec le recours massif au mp3 et aux plateformes de téléchargement.

Aujourd’hui le disque a plus que du plomb dans l’aile – bizarrement le CD souffre presque plus que le vinyle qui revient en grâce … à doses malgré tout homéopathiques – et les majors tanguent ; mais la musique, elle, se porte bien avec non seulement le streaming mais également l’explosion du « live » : bref, on est passé de la musique en boite à la musique vivante.

Pour revenir au livre, les éditeurs ont eux-mêmes scié la branche en proposant à la vente les premiers livres électroniques plus chers que les éditions de poche : comme fossoyeurs, on ne trouve pas mieux ; mais sans doute sont-ils adeptes non seulement d’un culture mais aussi d’une économie déjà bien dépassés !

Quant à l’enseignement, son futur ne se situe certainement pas dans la nostalgie d’outils appartenant au passé, mais dans son adaptation à un nouveau monde – toutefois la disparition de pesants cartables ne signifie la mort du roman ; pas plus qu’il ne se trouve non plus dans le modèle économique des business schools élitistes.

Plutôt que de défendre bec et ongles LEUR culture, les enseignants devraient adopter l’attitude des anthropologues et s’ouvrir aux autres cultures … même si ces dernières peuvent signifier à terme la mort de la leur.

Ciao Eric

Tournée d’adieu hier soir à l’Olympia, d’Eric Burdon, ex leader des mythiques Animals, avec un look tout droit sorti de Sons of Anarchy … le style nécessairement rebelle West Coast ?

2 heures de blues / rock / jazz mélangeant souvenirs des sixties comme Mama Told Me Not to Come et standards légendaires, notamment sa gigantesque reprise de Don’t let me be misunderstood, avec sa voix éraillée aux antipodes de Nina Simone.

Bien sûr, il y aura The house of the rising sun, LE succès éternels des Animals que tout le monde attendait et dont il confira dans un reportage passé cet été sur Arte, qu’il ne peut pas ne pas le chanter alors que l’ancien claviériste du groupe Alan Price a spolié les autres membres de leurs droits d’auteur.

Et en final, sa version de Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf : une façon de dire au revoir à la scène à Paris !

Massive Attack au Zénith

Superbe concert de Massive Attack hier soir au Zénith pour les ans de Mezzanine, certainement de loin leur meilleur opus ; deux regrets cependant : d’une part la systématisation des jeux de lumières aveuglants … et un concert réglé pour durer 1 heure 30 à la seconde près … et qui n’a pas duré une seconde de plus : à 22 heures 30, les musiciens disparaissent, la salle se rallume … pas de rappel !

Un concert d’une surprenante actualité dans lequel les GAFA en prennent plein la gueule : pour ceux qui ne parlent pas vraiment anglais, des surimpressions insistent : les data sont partout et « ils » nous profilent pour mieux nous refiler leur camelote en nous laissant croire que c’est bien ce qu’on aime.

Mezzanine a 20 ans … et pas une ride : révoltons-nous, ou plutôt, inventons un futur nettement plus beau que celui que les multinationales et l’intelligence artificielle nous façonnent.

L’actualité, c’est aussi ce nom : Massive Attack, bien trompeur, qui sonne trop heavy metal … pour un groupe naviguant entre Trip hop et rock expérimental ! en fait, un nom qui fait référence à un graff de Brim Fuentes sur un mur de Bristol, en réaction contre une intervention policière un peu trop violente au cours d’une rave.

Dictature de la data et de l’intelligence artificielle d’un côté, répression policière de l’autre : Mezzanine nous plonge étrangement dans l’actualité ; la violence, physique ou dématérialisée nous encercle de toutes parts.

Reste que j’aurais aussi pu parler des voix planantes de Liz Fraser (sur la photo) & Horace Andy, des reprises du Velvet Underground, et bien sûr de ces morceaux envoutants, à commencer par le magnifique Angel, et des vidéos d’Adam Curtis : mais ça, je le garde au fond de mes souvenirs.

Fendre l’air

Très intéressante exposition au Musée du quai Branly consacrée à l’Art du bambou au Japon.

Son intérêt majeur est de souligner comment un objet quelconque peut au fil des ans se détourner de sa fonction pour devenir in fine œuvre d’art : au début du 19ème siècle, on ne parle de simples paniers utilitaires aux formes peu imaginatives, en un mot, des ustensiles sans prétention.

Au fil des ans, ils vont peu à peu changer de statut pour se muer en œuvres d’art présentées par les personnages de qualité à leurs hôtes lors de la cérémonie du thé ; et pour accompagner cette évolution, les artisans vont se mettre à signer leur production … ils sont désormais des artistes !

Objets d’art, ces paniers n’en restent néanmoins que des … paniers, malgré leur prix : certes, ils ont perdu leur fonction initiale – ils décorent agréablement le salon où se déroule la cérémonie du thé et les maisons des amateurs les plus éclairés – mais ils en gardent la forme.

Un siècle et deux guerres mondiales plus tard, la cérémonie du thé traditionnelle a vécu … et les paniers en bambou également : non seulement la clientèle des riches amateurs s’est tarie, mais le plastique a supplanté le bambou dans les usages basiques … bref, la tradition se délite.

Dès lors, la panier en bambou va pouvoir s’émanciper du … panier et devenir une nouvelle œuvre d’art aux formes improbables : il devient sculpture. Tanabe Chikuunsai IV va même lier bambou et impression 3D pour donner naissance à des créations où la tradition se mêle aux technologies du 21ème siècle.

Autre enseignement de cette exposition, les collectionneurs japonais – contrairement aux Occidentaux – n’exhibaient pas avec ostentation leurs biens dans leurs salons, mais les présentaient avec retenue à leurs amis, par exemple lors de la cérémonie du thé : autre relation à l’art et à la richesse !

Les japonologues se sont peu intéressés à cet art du bambou ; au Japon, plusieurs artistes du bambou ont été distingués du titre de « Trésor national vivant ».

Garbage

Concert plutôt décevant hier soir de Garbage au Bataclan – du moins en comparaison de leur dernière performance, il y a 3 ans, au Zénith de Paris.

Première déception, le groupe célébrait les 20 ans de Version 2.0, qui est loin d’être mon album préféré … même si c’est celui de Shirley Manson, la chanteuse du groupe qui déclarait récemment à Rolling Stone : « Si je devais choisir un seul album à jouer sur scène, ce serait celui-ci ».

Elle avait revêtu pour l’occasion une sorte de chasuble rappelant par sa couleur la pochette de Version 2.0 ; ajoutez à cela un maquillage punk sur les yeux et de loin, vous aviez l’impression de voir débarquer Nana Mouskouri sur scène : pas très rock !

Seconde déception, la sono mal réglée : ce n’est pas la 1ère fois au Bataclan, déjà lors du concert des Flaming Lips en 2017, on avait une désagréable impression de cafouillis sonore, d’un son criard étouffant les voix.

Par le passé, l’acoustique m’avait semblée bien meilleure, lors des fastueux concerts de I’m from Barcelona ou de Patti Smith : mauvaise reconstruction de la salle ou simplement mauvais ingénieurs du son ?

Rendez-vous le 5 Novembre pour Echo & The Bunnymen, on verra si l’acoustique déplorable perdure !

2017, revue par Berni Stephanus

Si vous ne connaissez pas les collages de Berni Stephanus, rendez-vous  ici pour découvrir les œuvres d’un artiste Genevois/Bourguignon – si, ça existe – surprenant.

MarketingIsDead : Berni Stephanus, après avoir peint de longues années, tu t’es tourné vers le collage : pourquoi cette mutation ?

Berni Stephanus : Peintre de formation, je fais du collage depuis les années 60 au sortir d’une longue crise d’inspiration en matière de peinture. Voulant vendre mes œuvres, je me suis mis à peindre d’après mes collages, car ces derniers n’avaient aucune chance d’être vendus à l’époque. Finalement, et environ 30 années plus tard, après avoir combiné peinture et collage en reprenant d’anciennes peintures en y collant des morceaux de photos, j’ai constaté que le collage me convenait mieux que la peinture seule, car il parlait du monde (à travers ma vision) contrairement à la peinture qui parle généralement de… peinture seulement.

MarketingIsDead : Le collage a eu son heure de gloire à la période Dada : aujourd’hui, c’est quoi le collage ?

Berni Stephanus : Le collage-photomontage a été inventé par DADA dans un but militant. Cette origine contestatrice, ironique colore son origine, même s’il a été adouci par des courants surréalisants ou esthétisants actuels. Je le considère à la base un art de récupération de rebut. C’est d’ailleurs ainsi que le définissait Aragon dans son livre sur le collage(*) : le « pauvre » collage, contrairement à la « luxueuse » peinture, permettrait de s’affranchir de la « domestication (de l’art) par l’argent ». C’est un art d’assemblage qui joue avec les juxtapositions comme des rimes en poésie. Tout y est dans la jointure, dans la frontière entre deux fragments photographiques.

Aujourd’hui, le collage est souvent surréaliste et il se retrouve un peu partout dans des œuvres qui mélangent peinture et éléments collés. On peut donc dire que le collage a envahi l’esthétique picturale moderne, par ex. chez l’artiste allemand Neo Rauch.

Personnellement, j’utilise le collage à la fois pour son impertinence et pour l’éclatement de l’espace traditionnel à la manière des cubistes. Je me considère comme un héritier de la tradition picturale qui essaie de nouvelles manières de faire sans rejeter le passé.

(*)Aragon – La peinture au défi : … « il détourne chaque objet de son sens pour l’éveiller à une réalité nouvelle ».

Pour une lecture plus approfondie : Jean-Marc Lachaud – De l’usage du collage en art au XXe siècle, http://journals.openedition.org/socio-anthropologie/120.

MarketingIsDead : Pourrais-tu sélectionner parmi tous tes collages de 2017, les 3 qui te semblent les plus marquants, selon toi, de l’année, et expliquer pourquoi en quelques lignes ?

Le premier est le détournement d’une photo de mode. Le torse avec les mains gantées impeccables est contredit par la tête de mort surmontée d’un chignon parfaitement coiffé. C’est un memento mori. Reste à expliquer la présence de la colombe. Si c’est le Saint Esprit, on ne voit pas ce qu’il pourrait annoncer ou faire ici, si c’est la colombe de la paix, elle vient trop tard. Nous vivons dans un monde d’où l’espoir s’est enfui. Reste la conscience de notre condition mortelle.

Le deuxième parle de la guerre. J’y suis sensible, étant né en janvier 1941 en Allemagne. Outre la destruction de la maison quasi détruite dans une ville syrienne, il y a une allusion à l’exil des populations, sujet qui me touche beaucoup à cause de mon origine de « Mischling = métis » appellation utilisée par les Nazis pour un enfant tel que moi, de mère juive et de père allemand. Mais je me projette surtout dans la figure avec une la tête à la Arcimboldo qui semble songer à ce désastre sur un air de grammophone.

J’aime bien cette évocation d’un monde perdu ou plutôt en train de disparaître. J’éprouve de la nostalgie devant certains aspects de la modernité. Ce qui rend cette image supportable pour moi, c’est ce visage de Peau-Rouge qui m’interpelle et qui exprime, pour moi, de la bonté. Est-il complice du massacre ? Est-il simplement passif ? Je n’en sais rien. L’image reste énigmatique, y compris pour moi. Magie du collage.