Impact de la crise sanitaire sur les aspirations des Français
« J’en ai marre », « Je veux retrouver du sens » : en plein confinement, les médias portaient la parole de ces citoyens qui souhaitaient rebondir en réorientant leur carrière, tant pour une meilleure qualité de vie que pour rendre notre monde meilleur. Utopies, fantasmes ?
Certains ont tourné la page et se sont lancés vers de nouvelles aventures ; récemment, 6 mois après le 1er déconfinement, le Club Horizon(s) de l’Adetem leur donnait la parole au cours d’un Webinar ; rappel de quelques éléments de contexte par Luc Balleroy, Directeur Général d’OpinionWay.
Luc Balleroy : Le 17 mars constitue un moment de bascule entre un avant connu, une rupture brutale avec l’annonce du confinement par le Président de la République déclarant « nous sommes en guerre ».
Une situation inédite qui se présente sous une forme de catharsis face à la face course du monde et qui se caractérise par :
- La privation de la liberté de mouvement,
- La délégation à un tiers de son destin dans un climat de défiance générale,
- La rupture des liens sociaux physiques,
- La mise à l’écart des personnes fragiles,
- Le décompte journalier de la morbidité,
- La peur de la contamination et de la souffrance,
- La dissonance cognitive des injonctions et informations qui sont émises par le gouvernement,
- L’absence de solution immédiate et donc le constat d’une certaine impuissance du progrès,
- La mise en activité partielle,
- L’incertitude quant à l’échéance de la sortie de crise.
C’est un retour brutal à la base de la pyramide deMaslow : le besoin de sécurité !
Autant d’éléments qui créent les conditions d’une remise en cause laquelle se nourrit par une conjonction d’éléments :
- Du temps pour se poser : pendant cette période 34% des actifs avaient cessé leur activité où était en chômage partiel ;
- Le besoin de sortir de marasme ambiant marqué par la méfiance, la morosité, la lassitude et la peur;
- C’est aussi le besoin de trouver une alternative à son mode de vie actuel – 25% des Français nous disait en avril ne pas être du tout satisfait de la vie qu’ils mènent ;
- Dans un climat de défiance vis-à-vis des institutions c’est aussi de manière plus positive la confiance en ses pairs et en sa propre capacité à changer le monde – 81% des Français déclare que les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions dont 23 % sont tout à fait d’accord avec cette idée ;
- Et, last but not least, ce confinement a été aussi l’expérience d’un autrement possible et plus satisfaisant – pour 47 % des Français, j’ai découvert une autre façon plaisante de vivre.
Ainsi, cette assignation à résidence a accéléré un certain nombre de tendances qui était déjà à l’œuvre avant le confinement. Huit tendances majeures ont été révélées par un dispositif, lui aussi en norme, que nous avons conduit pendant cette période qui s’appelait #Etmaintenantquevaisjefaire : Health security, Digital friendly, Money freak, Do it yourself, Planet choice, Local firt, Care lifestyle, Human value. Ces quatre dernières tendances ont en commun le fait d’être au cœur de la question du sens :
- Le Care Lifestyle, une quête nourrie par :
- La mise en suspend de toute consommation non essentielle à la vie,
- Le questionnement sur le sens et le temps que l’on consacre à soi à ses envies et à ses proches,
- Le plaisir trouvé à faire certaines activités comme le sport le jardinage le bricolage la cuisine la lecture le visionnage de films.
- C’est l’envie de se faire plaisir de prendre soin de soi, de ses proches : ainsi 45% des actifs déclaraient vouloir lever le pied après le confinement.
- Planète choice, une quête nourrie par :
- Le plaisir d’une vie en mode slow life, débarrassée du superflu,
- La vitesse de la propagation du virus en raison de la mondialisation des échanges,
- L’origine supposée du virus dont les causes sont liées à l’absence de respect du monde animal,
- Le constat des bienfaits d’un mode à l’arrêt pour l’environnement et la planète.
Au global c’est la redécouverte du lien qui nous unit à la terre et à nos conditions d’existence. Ce trend s’exprime dans tous les univers de la consommation – ex : 71% des Français déclarent privilégier l’équilibre entre efficacité et protection de l’environnement pour l’achat de produits d’entretien.
- Human value, une quête nourrie par :
- La distanciation sociale et la privation de tout rapprochement physique avec ses proches et ses amis,
- La mise à l’écart de ses parents AG et les personnes fragiles,
- Le sacrifice de certaines catégories de travailleurs et personnels de santé les agents de maintenance et de propreté les personnels de la distribution.
C’est la prise de conscience de l’importance de l’autre et de la solidarité ; une tendance qui s’exprime de plusieurs matières : des actions solidaires, le soutien aux petites entreprises et la recherche de convivialité : « Il y a tellement de personnes qui risquent de mettre la clé sous la porte et si on peut faire un petit effort pour les aider, il n’y a pas de question à se poser ».
- Local first : un méga trend qui est à la confluence de plusieurs tendances : Health security [la recherche de la protection sanitaire], Human value [le fait d’être solidaire, avec une connotation de préférence nationale], Planet Choice [la recherche de comportement vertueux] : « J’attache beaucoup d’importance à la protection de la nature, il est donc logique d’acheter bio pour être cohérent, mais également local »
Des tendances qui impactent les choix les choix de consommation et qui conduisent les entreprises à revoir leur stratégie marketing mais aussi leur raison d’être ; mais aussi des choix plus profonds sur son mode de vie avec la quête de l’ikaigaï (sorte de quête du Graal permettant d’atteindre une forme de réalisation pleine et entière conjuguant pourquoi je suis doué, ce que j’aime faire, ce dont le monde a besoin, ce qui me permet de vivre). Au regard de ces critères, 57% des actifs n’auraient pas trouvé leur Ikigaï selon une étude réalisée pour ELLE active en septembre 2020. Il s’agit là d’une quête importante puisque pour 85% des Français, « pour être heureux dans sa vie en général il est aussi important d’avoir un travail qu’il soit utile à la société » (30% sont tout à fait d’accord avec cette idée).
Dans cette logique et très concrètement, en novembre 2020, 12 % des actifs nous disaient avoir élaboré un nouveau projet professionnel pendant le confinement, 5 % des actifs déclaraient l’avoir mise en œuvre.
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