Hugues Cazenave, les marques et les citoyens
En amont de la conférence Adetem du 17 Mai : Marques : de l’attachement à la défiance, petite interview d’Hugues Cazenave.
En amont de la conférence Adetem du 17 Mai : Marques : de l’attachement à la défiance, petite interview d’Hugues Cazenave.
« L’audience a permis de comprendre que l’appellation « Groupe de Tarnac » était une fiction », a résumé la Présidente du Tribunal correctionnel de Paris : une sacrée claque non seulement pour les services antiterroristes de l’époque, mais aussi les politiques, Michèle Alliot-Marie en tête.
Sauf que comme le faisait remarquer Yildune Lévy sur France Inter : Julien Coupat et elle avaient la chance de savoir « analyser, décortiquer » ce qui leur était reproché, d’être « blancs, jeunes, et de classe moyenne », d’avoir « un capital culturel » leur permettant de se défendre.
Et de poser la question : comment font ceux des banlieues défavorisées – entre autres –, tous ceux qui n’ont ni les moyens ni les aides dont elle et Julien ont pu bénéficier ?
Si l’antiterrorisme est capable de telles construction en « période normale » – car c’était avant le Bataclan et l’état d’urgence –, cela pourrait se révéler rapidement effrayant aujourd’hui pour des citoyens moins « médiatiques » et surtout moins aptes à se défendre, après l’inscription des lois d’exception dans la loi … dite normale.
Black_Mirror, c’est (presque, dirons-nous, pour rester optimiste) ici et maintenant.
La rumeur court que chez un grand opérateur de la télévision, existe une salle capitonnée où les clients mécontents peuvent de défouler ; bien sûr, ce n’est qu’une rumeur mais …
Le marketing « traditionnel » parle – bien au-delà de la satisfaction client – de confiance, d’attachement à la marque, de fidélité ; le Web social a ajouté la notion de likes – d’amour – et de tiers de confiance !
Et pourtant, les consommateurs semblent plus entrer aujourd’hui dans le registre de la défiance envers les marques – on fait confiance à des amis que l’on ne connaît pas vraiment, mais on se méfie des marques –, voire de la détestation et de la vengeance : on se lâche sur le Twitter ou Facebook, parfois totalement gratuitement.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Et que pouvons-nous faire pour regagner, sinon un attachement inconditionnel, du moins un peu de confiance ?
Pour répondre à ces questions, le Club Expérience Digitale de l’Adetem questionnera le jeudi 17 mai plusieurs experts :
Cette 1ère partie sera suivie d’une table ronde réunissant des responsables marketing de grandes entreprises :
Pour s’inscrire, c’est ici.
Telle est la thématique sur laquelle L’Argus de la Presse a demandé à 25 experts de réfléchir pour un livre blanc ; voici ma contribution, les autres étant téléchargeables ici
Rien ne sert d’opposer Marketing d’influence et Relations publics, ce sont deux disciplines complémentaires à usage du marketing et de la communication, chacune présentant des avantages spécifiques et souffrant parfois des mêmes travers.
Le marketing d’influence n’est pas si récent que les agents des YouTubeurs voudraient nous le faire croire : il date de la préhistoire des médias sociaux … et même de bien avant.
Au début du blogging, les agences de RP n’avaient d’yeux que les blogueurs dits d’autorité – ceux qui caracolaient en tête des recherches sur les moteurs de recherche ; elles leur adressaient les derniers produits High Tech à tester, les invitaient à des « soirées blogueurs » et à bien des avant-premières, etc.
A l’époque – quelques seniors doivent s’en souvenir – le blogueur le plus influent de France s’appelait Loïc Le Meur ; on pouvait ainsi lire sur son blog : « RIM m’a prêté la semaine dernière le nouveau Blackberry 8800, je l’ai adopté comme téléphone principal ». Et bien sûr, tous ses abonnés allaient découvrir avec lui les avantages extraordinaires de ce nouveau mobile – je me suis toujours demandé si « prêté » signifiait qu’un jour il avait rendu de superbe « Blackberry 8800 ».
Quelle différence entre le blogueur influent et la Mère Denis qui longtemps vanta les mérites des machines à laver Vedette ? Dans les deux cas, la marque utilise un personnage emblématique pour porter sa communication. Loïc Le Meur existait bien en chair et en os … mais la Mère Denis aussi : elle s’appelait Jeanne Le Calvé, née en 1893 à Kerallain, petit hameau du Morbihan.
Aujourd’hui, YouTubeurs et autres Instagrameurs ont remplacé Loïc Le Meur et la Mère Denis : c’est plus tendance et parmi ces influenceurs, certains sont devenus de vrais stars avec des audiences à faire pâlir certains animateurs de la TNT.
Mais le problème reste et restera toujours le même : savoir choisir avec discernement les relais qui vont porter la marque vers la cible finale, tant en B2B qu’en B2C. Ce qui signifie ne pas se contenter de démarcher les influenceurs à la plus large audience, mais ceux en réelle affinité avec la marque.
Et c’est bien souvent là que le bât blesse : agences de communication ou de RP prennent rarement le temps de comprendre réellement qui sont les influenceurs qu’ils sollicitent ; résultats, des refus en cascade ou des campagnes qui ne fonctionnent pas parce que la « star » se contente du service minimum pour toucher son chèque
Au bon vieux temps du blogging, un annonceur s’était couvert de ridicule en proposant à une blogueuse de parler de ses cravates à l’occasion de la Fête des pères : cette dernière vouait une haine féroce à l’encontre du sien, haine qui transpirait dans bon nombre de ses posts.
Pas sûr que la leçon ait bien été retenue par la profession … Mais c’était il y a si longtemps – une bonne dizaine d’année.
Aujourd’hui, les consommateurs ont pris conscience que, sous couvert d’une certaine gratuité, les marques leur volent des données, mais aussi une certaine intimité.
En retour, ces derniers s’octroient le droit, non seulement de récupérer ce qu’ils estiment leur dû, mais également d’égratigner plus ou moins fortement les marques, parfois juste pour le fun.
Tel sera le thème de ma conférence … d’avant la conférence d’ouverture du Printemps des études, le jeudi 5 avril à 8 heures 30, Salle Napoléon.
C’est aussi un sujet dont on va pouvoir discuter ici-même dans les mois à venir … car complètement au cœur de la vie des marques !
Ce texte constitue ma contribution au livre blanc L’accès à l’information et aux Réseaux Sociaux rend-il plus innovant.e ?, réalisé à l’initiative d’Alban Jarry et réunissant plus de 180 participants, et téléchargeable ici.
Surfer sur les médias sociaux nous rend-il, sinon plus intelligents, sinon plus créatifs ? A en croire une étude publiée par le MIT Sloan Management Review, les utilisateurs de Twitter se révéleraient plus « innovants ».
Revoici posée par une autre biais, la question de l’intelligence collective et de sa dynamique vertueuse : plus on se promène sur les médias sociaux, plus on glane d’informations utiles … et plus on développe ses capacités d’innovations.
… et les imbéciles deviennent des surdoués !
Mieux vaut se méfier des utopies – et surtout des corrélations que l’on prend pour des causalités, comme le souligne Albert Jacquard dans La science à l’usage des non-scientifiques.
Je pourrais également citer Dostoïevski évoquant le bagne dans Souvenirs de la maison des morts : « Sans doute plus de la moitié d’entre eux [les bagnards] savait lire et écrire. J’ai entendu dire que quelqu’un, de données semblables, avait tiré la conclusion que l’instruction était un fléau pour le peuple ».
Bien sûr, les gens qui fréquentent les médias sociaux – et plus particulièrement les médias sociaux professionnels – sont-ils plus aptes à innover ; mais sans doute conviendrait-il de distinguer ceux se contentent d’une lecture plus ou moins passive de ceux qui diffusent régulièrement des contenus originaux : et très certainement on s’apercevra que les seconds sont plus créatifs que les premiers.
Les professionnels qui publient sur leur blog, relaient sur Twitter et LinkedIn des articles, postent des présentations sur SlideShare, le font pour développer leur Personal Branding – a minima pour prouver à leurs confrères qu’ils sont plus doués qu’eux, mais le plus souvent pour développer leur business.
Si les lecteurs passifs s’intéressent à leurs écrits, c’est qu’ils y trouvent quelque intérêt … et donc que ces contenus sont de qualité : ils émergent du brouhaha ambiant, de la gigantesque cacophonie de la toile.
Logique donc que ces professionnels capables d’enrichir la profession de réflexions originales se montrent aussi doués au sein de leur entreprise pour l’innovation : ils savent repousser les limites et communiquer les idées qui bouillonnent en eux.
Inutile donc de pousser ses collaborateurs à errer sur les médias sociaux : on n’y gagnera qu’à leur faire perdre leur temps – et l’argent de l’entreprise ! Mieux vaut recruter des spécialistes qui abreuvent déjà la toile de réflexions originales – et ne surtout pas les brider ensuite.
Twitter, LinkedIn et autres SlideShare n’aideront jamais des collaborateurs médiocres à devenir créatifs ; par contre, en vous y promenant régulièrement, vous pourrez y recruter des éléments de choix, capables de pousser votre entreprise dans ses retranchements et de la faire innover.