L’Académie malade du Covid-19
J’ai toujours eu de l’Académie Française une image de vieux messieurs ronchons … et j’avais tort : ma vision est sexiste, l’institution fondée par Richelieu comprend aussi des dames … certainement tout aussi ronchons (ronchonnes ?) !
Maintenant grâce à Valéry Giscard D’Estaing, on sait que ces vieux messieurs aiment bien passer la main aux fesses des dames … surtout quand ce sont de jeunes journalistes allemandes : on consacre le rapprochement franco-allemand comme on peut !
Ces plaisanteries mises à part – quoique dans le dernier cas, il semble bien que ce n’en soit pas une –, l’Académie Française se targue de constituer l’ultime rempart de la langue française – pardon la Langue Française – contre le – ou plutôt les – barbarismes : ce sont ces braves gens qui établissent comment nous devons parler … si nous souhaitons correctement deviser entre honnêtes gens et non bafouiller le galimatias des banlieues – car c’est bien connu, les jeunes des banlieues sont incapables de jacter compréhensible.
Quoiqu’il en soit, en entendant dans le métro une voix anonyme annoncer que la RATP prenait soin de ses passagers dans sa lutte « contre le Covid-19 », je me suis dit : « Diantre, voilà que la RATP commet des fautes de français ! Mais où va notre beau pays ».
Car on ne doit pas dire « le Covid-19 » mais « la Covid-19 » : ainsi en a décidé l’Académie Française le 7 mai 2020 : « Covid est l’acronyme de corona virus disease, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation », précise-t-elle même ici.
Donc poursuit l’honorable société : « on devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie » ; mais elle souligne en passant que l’on « aurait pu préférer au nom anglais disease le nom latin morbus », histoire de faire un peu plus pédant.
Petite remarque en passant : si « disease » se traduit bien en français par « maladie », « Covid-19 » n’est pas l’acronyme d’une expression française incluant le mot « maladie », mais d’une expression anglaise et le terme « disease » n’est pas féminin, mais … neutre !
Manque de bol, le neutre est rarissime en français – même si pas totalement absent – et de toutes façons, il ne s’applique pas aux noms ; cela étant, le neutre existait en latin – ce latin si cher aux doctes académiciens – et ce neutre a souvent abouti en français moderne à … des masculins : « templum » a donné « temple ».
Mais surtout, une langue n’existe qu’au travers de ses dires : ce n’est pas une construction abstraite, codifiée et figée, comme les langages informatiques ! Une langue vit, se développe, et la langue française existe en totale indépendance de l’Académie : cette dernière ne peut que constituer – ou ne devrait que constituer – le réservoir d’une multitude d’expériences cumulées.
L’Académie ne devrait être que l’héritière de nos usages – et non le Père Fouettard prêt à sanctionner les dérives ; car ce sont ces dérives qui font une langue, qui caractérisent l’objet de leurs travaux : plutôt que de les condamner, ils devraient les applaudir.
Et se poser la nécessaire question de la masculinité du Covid-19 : pourquoi spontanément les Français ont-ils utilisé ce genre, quelles valeurs y attachent-ils, etc. La non féminité de la pandémie, voilà un sujet d’analyse intéressant dont, on s’en doute, les ronchon.ne.s ne se saisiront pas.