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C’est déjà demain

La fin de l’assurance

La mutualisation des risques se situe à la base de toutes assurances, mutuelles ou privées, peu importe : ainsi dès 1815, les Veuves écossaises, célèbre mutuelle d’Edimbourg, avait pour vocation d’assurer solidairement la subsistance des femmes ayant perdu prématurément leur époux.

Aujourd’hui on connaît à peu près le nombre d’accidents qui surviendront en 2017 en France, donc leur coût global – pas loin de celui de 2016 ; par contre, on ne sait pas trop sur qui le risque va tomber : donc on divise le montant total des indemnisations potentielles, auquel s’ajoute une certaine marge bénéficiaire, par le nombre de conducteurs concernés, et l’on obtient la prime annuelle que devra régler chacun d’eux.

Petit coup de griffe à la mutualisation des risques, le système bonus / malus qui pénalise les uns et favorise les autres ; autres accrocs, les surprimes pour les conducteurs novices, les différences géographiques, etc.

Depuis déjà bien longtemps, les compagnies se sont plus ou moins affranchies de la mutualisation, tapant sur les uns pour mieux séduire les autres : il est tenant de faire payer moins cher ceux qui ne présentent pas de comportements dangereux, quitte à charger le bourricot pour les autres … dont personne ne veut d’ailleurs !

Même la poisse pénalise les conducteurs malchanceux : trois accidents non responsables – pas de votre faute, vous vous trouviez au mauvais endroit au mauvais moment – et hop ! On vous vire, allez voir ailleurs si c’est moins cher.

Avec les voitures connectées, les assureurs vont pouvoir affiner leurs systèmes de tarification : un gars qui prend ses virages un peu sec, on le saura tout de suite !

Dans un premier, on l’éduquera : les assureurs sont vertueux !

Mais s’il continue dans ses manières accidentogènes ? Il sera tentant de lui augmenter sa prime, ou de le virer, c’est selon.

D’ici quelques années, plus aucune voiture ne sera « non connectée » : vous aurez le choix entre accepter le flicage en temps réel, ou une surprime de suspicion – bien habillé, cela donnera un contrat de base élevé, et des réductions pour ceux qui acceptent de se laisser surveiller.

Et ensuite ?

Pour chaque conducteur, son assurance connaîtra son risque de sinistre lié à sa conduite … donc chacun d’entre nous aura droit à une assurance aux petits oignons – comprenez : calculée au centime près, selon ce qu’il peut coûter.

A la limite, les primes pourraient aisément se situer sur des échelles de 1 à 100, voire plus : et tant pis pour les mauvais conducteurs ! Nul doute que le nombre de citoyens défavorisés qui renonceront carrément à assurer leur véhicule va exploser.

L’assurance connectée, c’est la fin de la mutualisation des risques … jusqu’au jour où des conducteurs lassés, recréeront de vraies mutuelles solidaires.

Toute autorité est-elle néfaste ?

Mai 1968 : deux représentations de l’autorité s’affrontent dans les rues et pour les étudiants, le choix est simple.

D’un côté, le Général de Gaulle et ses CRS ; les jeunes scandent « CRS = SS », rejetant en bloc la société de consommation dont ils héritent, et les structures étatiques qui la sécurisent jusque dans les rues étroites du Quartier Latin.

De l’autre, Jean-Paul Sartre juché sur un tonneau, haranguant les ouvriers devant les portes des usines Renault à Boulogne – il y a 50 ans, il y avait encore des usines et des ouvriers dans cette banlieue chic !

D’un côté, l’autorité oppressive, dont ils doivent absolument se libérer ; de l’autre, l’autorité morale, qui s’impose très naturellement à eux.

Peu importe que la première soit issue d’un choix démocratique : après tout « élections pièges à cons », lit-on également sur les banderoles ! Les uns après les autres, les gouvernements de la 5ème République enverront les forces de l’ordre endiguer les révoltes étudiantes, parfois avec une violence inouïe quand en 1986 les voltigeurs de Pasqua chargeront le jeune Malik Oussekine.

De l’autre, l’autorité positive qui s’impose par la seule force de la raison ; l’autorité des philosophes qui nous guide comme le flambeau de la Statut de la Liberté : l’autorité qui nous dicte de jeter à bas l’autorité oppressive, qui a perdu toute légitimité.

Peu importe que d’aucuns jugent erronées les analyses de Sartre, et qu’une autre autorité comme Raymond Aron puisse se ranger du côté de l’ordre et du Général de Gaulle : en fait, il existe autant d’autorités morales que de gens pour y adhérer.

Il n’est d’autorité que très relative ! Petit bon en avant pour mieux s’en rendre compte.

Campagne pour les Présidentielles 2017 : Le Pen, Fillon, Macron, Hamon et Mélenchon s’affrontent sur le plateau de TF1 ; tous les commentateurs ne peuvent que le constater, l’autorité de Fillon s’effondre sous les coups de boutoirs des affaires, et celle de Macon s’envole.

Autorité, popularité, ici c’est pareil : un philosophe, un politique qui guide une population par son discours, sa pensée, comment ne pas lui reconnaître une certaine autorité ?

Même à Le Pen, cela me peine à le dire : il n’est d’autorité positive que pour ceux qui y croient !

Soudain, toutes mes illusions s’envolent : il n’y a pas d’un côté les bons, avec une autorité plus ou moins large, et nécessairement positive ; et les autres … L’autorité qui guide … et les méchants, qui oppriment !

C’est ça, l’autorité ?

J’ouvre mon vieux Gaffiot – le dictionnaire de référence, c’est-à-dire celui qui fait … autorité en matière de version latine : deux colonnes pour « auctoritas », autant dire qu’il n’y a pas une autorité, même à l’époque !

Pèle mêle, on trouve de la confiance, du droit de possession et bien sûr, du pouvoir : les exégètes trieront.

Pour rester dans le registre universitaire, il y a l’autorité des mandarins. Autorité auprès de ses pairs acquise par la qualité de ses recherches. Autorité auprès de ses étudiants conférée par le statut. Autorité étouffante également, qui empêche les ruptures : Barthes en fit les frais avec le Système de la mode !

En d’autres termes, socialement l’autorité n’a de réelle fonction que d’être un objet à contester : les autorités opprimantes bien sûr, mais aussi les autorités étouffantes – pourtant si confortables à accepter : toute soumission n’est pas nécessairement désespérante, certains s’en accommodent aisément !

Peut-on échapper à cette vision manichéenne, d’autorité nécessairement négative versus une rébellion nécessairement constructive … même si, à terme, celle-ci débouchera sans doute sur une nouvelle autorité à combattre ?

Un bref retour sur le 20ème siècle, du moins sur ce que j’en ai vécu, non : après la Lutte avec une majuscule contre l’autorité fasciste, il y aura les luttes syndicales, puis Mai 68, etc. La lutte institutionnalise même l’autorité : sans rébellion, pas de pouvoir !

L’autorité est partout : dans la morale, dans la politique, dans le travail … tout comme la lutte : contre les tabous, contre les tyrans, contre les patrons.

Retour aujourd’hui : les jeunes générations semblent pourtant remettre en cause cette vision manichéiste du monde : elles ne cherchent plus à casser les pouvoirs établis, elles se content de vivre en marge : la meilleure façon de saper une autorité, ce n’est pas de la combattre, mais de la nier.

C’est nouveau, personne ne sait où cela va nous conduire, ni si cela durera, mais après une génération post soixante-huitarde de rébellion, puis une d’acceptation, arrive la Génération Z qui semble vouloir se construire ailleurs et autrement : à suivre !

Nous entrons dans l’ère du mensonge

En une autre ère – pensez, en 2005 !

En une autre ère, 2005 donc, Carlo Revelli et Joël de Rosnay lançaient Agoravox et inventaient le journalisme citoyen : vaste et belle « utopie », où chacun de nous pouvait cumuler les fonctions de lecteur et de rédacteur ; et au début, ça marchait plutôt bien, on s’y retrouvait entre gens de bonne compagnie, entre doux rêveurs du Web 2.0 qui jetaient les bases d’un monde rendu meilleur par son horizontalité. Haro sur les journalistes, incapables de rivaliser avec la puissance de l’intelligence collective et vive donc le journalisme citoyen.

Un peu plus tard, l’atterrissage d’une avion sur l’Hudson – pour ceux qui ont oublié l’histoire, c’est celle de Sully dans le film de Clint Eastwood – sonnait définitivement le glas d’une profession maudite : un simple passager de ferry avait annoncé l’évènement au monde entier, bien avant les agences de presse, juste avec un Tweet et une photo, devenus depuis historiques.

Depuis, Agoravox est devenu le repaire un peu malodorant des révisionnistes et autre négationnistes proches des plus sinistres !

Pour les seniors, qui ne lisaient pas la presse en ligne, il y avait les chaines de mails, ces mails que plein de gens d’un certain âge reçoivent et renvoient à plein d’autres pour conserver l’illusion qu’ils gardent un  pied dans le digital ; des mails où on trouve de tout : du cul, des histoires drôles, des photos magnifiques … et les mêmes papiers ignobles que ceux que j’évoquaient plus haut.

Et bien sûr, comme on rentre dans le conspirationisme le plus glauque, ces mails s’accompagnant de mentions telles : « Faites circulez à tous ceux qui … » ou « Important, vérité cachée … ».

Mais bon, il n’y a pas que les idéalistes du Web 2.0 et les seniors dans la vie ! Il y a aussi tous ceux qui, jeunes ou moins jeunes, réseautent sur les médias sociaux, Facebook en tête : et là, c’est le Jackpot ! La bête immonde a investi le réseau social le plus puissant du monde, avec les mêmes techniques que pour Agoravox ou les mails destinés aux seniors : on distille des propos un peu, beaucoup, à la folie fallacieux, mensongers, trompeurs et les gens y croient d’autant plus qu’ils ont l’impression d’accéder à une vérité cachée.

On crée des rumeurs que bien évidemment personne ne peut nier : c’est même là que réside la puissance des rumeurs : les réfuter les rend encore plus crédibles aux yeux des adeptes de la théorie du complot … mais aussi de la grande foule des crédules !

« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », proclamait Joseph Goebbels : hélas, ses disciples pullulent aujourd’hui en France.

Heureusement existent des sites comme Hoaxbuster.com pour dénoncer toutes les fausses informations, et des émissions comme Désintox, fruit d’un partenariat Arte / Libération.

Mais ne serait-ce pas avant tout à Facebook, qui gagne juste quelques milliards en laissant publier des tas de contre-vérités, de faire le job : mais social média préfère se retrancher derrière son statut plateforme pour laisser ses utilisateurs s’en occuper à sa place … évidemment sans garantie de la moindre crédibilité.

Exemple : RT France, plus de 300 000 fans, publie régulièrement des « fakes news » sur sa page Facebook ; imaginez que vous veniez avec vos petits doigts porter la contradiction, vous passerez immédiatement pour un suppôt des partis établis ou d’une quelconque administration cherchant à bâillonner la presse libre … même si savez qu’elle n’est qu’aux ordres du Kremlin !

Evidemment, si dès qu’il y a suspicion de mensonges, Facebook effectuait quelques recherches – comme Hoaxbuster.com ou Désintox – et dénonçait les fausses informations, sa crédibilité serait plus forte … mais il perdrait peut-être des internautes et cela lui coûterait des sous !

Moralité, il faut que les journalistes se collent à la tâche, et effectuent finalement le rôle de … journalistes ; et qu’ils puissent également en vivre : en d’autres termes, une presse libre et payante est nécessaire au salut de notre démocratie.

Ça peut paraître pompeux, dit ainsi, mais c’est nécessaire, face à des plateformes de médias sociaux qui s’en mettent plein les poches mais refusent d’assumer leurs responsabilités.

Dans une ville connectée … #2

Dans un post récent, j’annonçais la réunion du Club Expérience Digitale de l’Adetem du jeudi 2 mars prochain consacrée à la Smart city, pour laquelle plusieurs membres du Comité Scientifique ont rédigé une nouvelle pour lancer les débats : voici la mienne – suite du 6 février.

Alors comme ce matin il n’avait pas de réunion et que son banquier lui avait poussé une petite icône pour lui signaler que le salaire avait enfin été viré, il décida d’en profiter pour aller à nouveau flâner dans le centre commercial voisin et peut-être acheter le costume … ou tout autre-chose, au gré des promotions du jour.

Il traversa la longue galerie pour aller boire un café au kiosque habituel près de la station de métro : il adorait vraiment le spectacle des banlieusards qui se précipitaient sur les quais bondés … surtout les jours où n’avait pas à les suivre dans leurs pérégrinations.

Il consulta sa montre : aucune promotion ! Bien la première fois ! Au moment de payer, il posa le poignet sur le terminal du garçon : pas de vibration familière, pas de paiement automatique … pas de café ! Il dut laisser le gobelet sur le comptoir et renoncer à son petit plaisir matinal.

« Banque », cria-t-il presque à son montre, suffisamment fort pour qu’une dame se retourne et le regarde bizarrement : pas de réponse.

« Banque », insista-t-il … sans succès.

Mais, ce n’était peut-être pas sa banque qui était en cause, mais sa montre : il secoua la main, la porta à son oreille … comme si elle pouvait se mettre à faire tic-tac comme une vieille horloge !

Pas la moindre notification : panne de réseau ?

Passant devant la petite boutique de vêtements, il jeta un bref regard au costume pendu dans la vitrine et qui semblait le narguer !

Ce n’était pas la première – et certainement pas la dernière – panne de réseau dans le quartier, mais quand même, c’était toujours désagréable, on ne pouvait même plus acheter sa baguette de pain … à moins bien sûr d’avoir conservé quelques pièces de monnaie « old fashion ».

Plus qu’à rentrer à la maison et à tirer tout cela au clair.

Mais avant tout, vérifier si entre-temps il n’y avait pas une urgence au bureau : « Albert, je suis là ».

Pas de réponse ; pas de réseau fixe non plus ?

Rien !

Dépité, il frappe à la porte de son voisin qui, par chance, travaille dans la même société, mais dans un autre service : chez ce dernier, tout marche ; bizarre.

Hier soir, tard, il se souvient d’avoir reçu un étrange message lui demandant de confirmer l’achat d’un billet de train ; il avait zappé, pensant à une erreur …

Installé devant le terminal de son voisin, il rentre manuellement son identifiant unique, ultra sécurisé : le même numéro, pour son travail, son compte en banque, son FAI bien sûr, et tout un tas d’autres services.

Albert ne le reconnaît toujours pas ! Ses collègues se souviennent de son passage au bureau la veille … mais l’ordinateur central semble l’avoir oublié, et ils ne peuvent plus l’inviter en réunion.

Son banquier l’ignore – il n’existe pas ! Tout comme son FAI … Tout comme … tout le monde.

Il se souvient d’une histoire qui circulait il y a quelques mois sur les réseaux sociaux : l’histoire d’un gars qui avait été hacké en passant devant une boutique dans un centre commercial : son identité avait été aspirée ; ensuite on lui avait demandé de confirmer un achat, et il avait négligé de répondre.

Le lendemain son compte avait été débité malgré tout de la somme correspondante ; et le jour d’après, le système central de sécurité l’avait déconnecté.

Partout.

Tous ses comptes.

Il n’existait plus.

François regarda sans son réfrigérateur : plus grand-chose, et rien de frais ; normalement, c’était cette nuit que l’appareil aurait du passer une nouvelle commande …

La télévision refusait bien entendu de s’allumer, sa liseuse s’était vidée de ses contenus …

Il allait s’ennuyer ferme – et le ventre vide – en attendant que quelque-part on réactive ses comptes, lui rende son identité … si jamais cela avait bien lieu dans les jours prochains.

Dans une ville connectée … #1

Dans un post récent, j’annonçais la réunion du Club Expérience Digitale de l’Adetem du jeudi 2 mars prochain consacrée à la Smart city, pour laquelle plusieurs membres du Comité Scientifique ont rédigé une nouvelle pour lancer les débats : voici la mienne.

 « Bonne soirée, les gars, c’était sympa hier soir de boire un café ensemble et de faire connaissance de visu avec les nouveaux ! ».

François fait un peu signe de la main à ses collaborateurs réunis autour de la grande table de leur bureau … virtuel : en réalité, tous travaillent comme lui depuis leur domicile.

« Albert, je m’en vais ».

Albert, c’est le portier – virtuel bien sûr – de l’entreprise, que chacun a pu affubler d’un sobriquet de son choix ; lui a choisi Albert en souvenir d’un vieux disque retrouvé lors d’un vide-grenier – une chanson d’un groupe français des années 60 : Albert, le contractuel qui « croyait que sa vie était belle ».

La « vraie » vie comme la virtuelle ne sont-elles pas que des illusions ?

La veille, pour la première fois depuis des semaines, leur directeur les avait convoqué pour une réunion de service, suivie d’un déjeuner d’intégration des nouveaux ; de tels rencontres devenaient de plus en plus rares : pas très écologique de tels déplacements et surtout, quel temps gâché !

Pour lui, ces rendez-vous désuets revêtaient un certain charme : sortir de bon matin, traverser le centre commercial voisin pour se rendre à la gare du métro express régional, prendre un café en regardant les habitués courir – puis, une fois dans sa rame, chausser ses lunettes de réalité virtuelle, et se faire une série.

La traversée matinale de la galerie marchande est pleine de surprise : généralement les boutiquiers testent les nouvelles offres promotionnelle de la journée. Il suffit donc de passer deux ou trois devant la même boutique pour se voir proposer un veste, puis un jean, puis une chemise à prix cassés … et ensuite pousser la porte pour profiter de toutes ces remises.

Hier matin justement, il s’était vu proposer un super costume décontracté … mais en consultant son compte en banque sur ses lunettes connectées, il s’était aperçu que le virement de sa paie n’était pas encore arrivé ; déjà le mois dernier, il s’était montré un peu trop désinvolte et son banquier virtuelle – mais banquier quand même – l’avait tancé !

La promotion l’avait suivi toute la journée, et la boutique du Forum des Halles lui avait même envoyé un jeton cadeau de 10 euros complémentaire pour le faire craquer : décidément, les commerçants avaient de plus en plus de mal à écouler leurs stocks.

Et en rentrant, il découvrit même un jeton complémentaire à dépenser avant le lendemain midi : sa géolocalisation montrait qu’il était revenu chez lui, et comme il travaillait à domicile, il fallait trouver un moyen de le faire ressortir en dépit de ses habitudes.

Humain, pas assez ou trop humain ?

Les débats ont été passionnants et passionnés aux Sommets du Digital de La Clusaz sur la thématique de l’intelligence artificielle.

Thème : AI et robotique vont détruire 50% de nos jobs dans les années à venir, notamment dans le domaine médical : mais Watson (du nom de l’AI d’IBM) saura-t-il montrer suffisamment d’empathie à ses patients pour que ces derniers se confient pleinement à lui ? Après tout, certains seniors japonais entretiennent des liens très étroits avec leurs robots de compagnie …

Thème : une AI collaborant avec un humain sera toujours plus performante qu’une AI seule (sous-entendu : l’humain irremplaçable) ; oui mais, la collaboration d’un imbécile avec un génie n’aurait-elle pas plutôt tendance à tirer ce dernier vers le bas ?

Thème : AI plus fiable : demain le véritable risque pour les voitures autonomes, ce seront celles conduites par des humains moins fiables … Quid des piétons qui traversent en dehors des clous, on va leur interdire la marche à pieds ?

Thème : l’AI prendra-t-elle un jour le pouvoir – back to 2001, l’odyssée de l’espace : mais non voyons, jamais une machine crée par l’homme ne disposera d’un tel libre arbitre … à moins d’un programmateur fou qui trahisse l’humanité ! Et quid d’une machine, créé non pas par l’homme, mais par une autre machine : c’est le principe même de la singularité, et le sujet des travaux de Singularity University, le think tank créé dans le giron de Google et de la NASA.

La vision ultime de tous ces experts et gourous qui dissertent sur l’AI, reste toujours teintée d’esprit divin – comme si, face à la machine, l’homme ne pouvait que s’assumer comme une créature de Dieu. Ou disons, d’un ou plusieurs dieux, selon les religions, et pour ne vexer personne.

Posons-nous maintenant dans une posture réellement « athée » : l’homme est juste le fruit de l’évolution – salut Darwin ! – donc son esprit – et toute la magie de la conscience – ne sont que le résultats d’échanges chimiques, ou chimio-électriques, c’est un peu compliqué, mais il n’y a aucun coup de pouce divin à y ajouter.

Alors là, on n’a plus qu’à disserter sur les mérites comparés de deux types de machine, l’une biologique, déjà bien ancienne, l’autre électronique, plus récente, mais dont la puissance augmente bien plus rapidement … tout reste ouvert, et nul ne peut prédire qui sera au service de l’autre – voire à la botte de l’autre – dans les années à venir.

IoT : l’expérience client ne sera pas au rendez-vous !

Le CES s’ouvre à Las Vegas et les startups françaises y occupent une place de choix : l’IoT sera hexagonal à en croire les commentateurs … français !

Quand on analyse le succès – euphémisme ! – des montres connectées, on comprend que le marché ne deviendra réellement mature que lorsqu’il dépassera le petit monde des geeks pour séduire le grand public et que ce sont les objets de notre quotidien qui se connecteront … avec de réels bénéfices, s’entend.

Or c’est là que les vrais problèmes vont se poser !

Je ne reviendrai pas sur les problèmes de sécurisation des connexions : les pirates ont de beaux jours devant eux – et les consommateurs, bien des soucis à se faire.

Mais je préférerais évoquer le problème de la formation des installateurs : car si aujourd’hui quand vous avez un problème avec votre installation fibre, vous voyez débarquer chez vous un techniciens Orange ou Bouygues, si demain vous avez un problème avec votre chaudière connectée, vous aurez à en discuter avec un … plombier.

Un plombier, c’est-à-dire un artisan très compétent pour couper des tuyaux et les souder – mais pas vraiment informaticien, et encore moins geek !

Je ne galèje vraiment pas : un petit exemple.

Viessmann, le roi allemand de la chaudière à condensation, propose désormais – pour un euro de plus, histoire de lancer le marché – des systèmes permettant de contrôler son installation à distance via Internet ; et je dis bien « installations » car elles conjuguent hard (bruleur, tuyaux, filtres, etc.) et soft : système de calculateur embarqué d’une simplicité redoutable avec quatre niveaux d’interface :

  • Niveau simple, pour passer de mode ambiance au mode veille, ou changer le niveau de température ;
  • Niveau élargi, pour programmer les heures de chauffage réduit la nuit, par exemple ;
  • Niveau de « codage » 1, et là on entre dans l’ésotérisme : « codage 00:8 Différentiel de température d’enclenchement pour la pompe du circuit solaire 8 K ; Modification possible : 00:2 à 00:30 : Différentiel de température d’enclenchement réglable de 2 à 30 K » ;
  • Niveau de « codage » 2 : encore plus subtile que le 1 !

Imaginez un « Apple addict » devant relire un vieux manuel Fortran !

Le client se dépêche de ranger précieusement ces manuels de plus de 100 pages (sic !) dans un tiroir en espérant ne jamais les en ressortir : raté, parce que le plombier est encore moins doué pour l’informatique que lui ; quand au SAV téléphonique (réservé aux pros), il présente une fâcheuse tendance à répondre « occupé » en période hivernale – quand se posent les vrais problèmes. Les consommateurs ont droit à un serviceconso@viessmann.com qui se garde bien de répondre dès qu’il ne s’agit plus de réciter le manuel – et surtout quand manifestement il a donné précédemment de fausses réponses.

Ce n’est qu’un exemple, mais il concerne une société extrêmement réputée, la Rolls de la chaudière à condensation : on imagine ce que sera demain, quand les Twingos de la chaudière seront à leur tour connectées.

L’expérience client ne me semble pas prête pour le grand rendez-vous !

Big Brother, vous aimez ?

« Il aimait Big Brother »  : ainsi s’achève le livre le plus actuel d’Orwell ! 1984 : nous y voilà enfin !

Ça a commencé de manière insidieuse …

Vous souhaitiez rencontrer l’âme sœur : vous avez laissé Tinder vous aider grâce à son algorithme secret … et un paquet de données sur vous-même que vous lui avez confiées.

Puis Amazon vous a suggéré d’acheter des tas de bouquins, tout à fait en phase avec vos goûts – toujours grâce à son algorithme secret … et un paquet de données, etc.

big-brotherMaintenant Kudoz, Clustree et autres AssessFirst vont vous proposer des jobs – et toujours grâce à son algorithme secret … et un paquet de données sur vous-même que vous lui avez confiées OU PAS, d’ailleurs !

Le gouvernement chinois, toujours à la pointe en matière de respect des droits de l’homme, lance aujourd’hui un vaste projet non seulement de recensement de ses 700 millions d’internautes, mais surtout de compilation de toutes les données les concernant, en aspirant les médias sociaux, à en croire le Washington Post : le gouvernement chinois est en passe de réaliser à l’échelon d’un pays ce que Tinder, Amazon et autres Kudoz réalisent à celui de leurs communautés ; ajoutez les algorithmes qui vont bien et voilà un moyen efficace, non pas de recruter des collaborateurs ou de leur fournir de la lecture sur mesure, mais d’envoyer derrière les barreaux de potentiels fauteurs de troubles.

Bon, direz-vous, c’est en Chine : pas chez nous. Sauf que le gouvernement vient gentiment de décider par décret – sans débat public donc – la création d’un vaste fichier des citoyens possédant un passeport et/ou une carte d’identité – avec toutes les données biométriques afférentes, bien entendu.

Pas de risques, direz-vous encore, la France est un état de droit … pour l’instant : mais avec de tels projets d’une part, et de telles capacités de traitement de l’information de l’autre, difficile de prédire ce que demain sera … Peut-être pas si souriant que ça.

Un jour, peut-être, des historiens désabusés diront : tout cela a commencé avec quelques recommandations de lecture sur le site d’Amazon.