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ADP : mort aux pauvres !

Aéroport De Paris est fier de ses belles boutiques Duty Free, et vous fait parcourir plus de pas que nécessaire juste pour vous obliger à passer devant : on vous invite fortement à fumer, à picoler, et à acheter des tas de produits de luxe … pas forcément si bon marché que ça, mais les passagers voient Duty Free et se laissent berner.

Récemment, au retour d’un déplacement en Tunisie, j’ai eu le malheur de réserver sur Nouvelair, certainement une des pires compagnies low coast au monde … mais l’horaire me convenait – j’en reparlerai un de ces jours, mieux vaut éviter, c’est pourri de chez pourris … j’aurais dû consulter quelques avis avant d’acheter mon billet.

Quoiqu’il en soit, nous arrivons à près de minuit – au lieu de 21 heures 55, heure indiquée à l’achat du billet – au magnifique T3, l’ancien TO, l’ex aérogare des charters.

Vous perdez ½ heure pour passer la frontière : normal, il n’y a que 3 policiers de la PAF et aucun des magnifiques portillons PARAFE pour les passeports biométriques ne marche ; une cerbère en gilet jaune – pas ceux qui défilent le samedi – crie d’avancer mais répond que ce n’est pas son job d’ouvrir les portillons PARAFE.

Passés les policiers blasés, je me dirige vers la gare de la navette automatique CDV pour le rendre au parking longue durée PX … mais à cette heure tardive, où atterrissent encore malgré tout des avions, la navette ne marche plus !

A la place, une dizaine de gilets rouges pour vous renseigner et là, c’est juste surréaliste : « Pour aller au PX, vous sortez, mettez votre téléphone sur GPS et vous y allez … à pieds » : si, vous avez bien lu ! Minimum 20 minutes, si vous marchez vite … et sans bagage encombrant !

Heureusement passe par là un mécano avion qui nous indique le bus de nuit qui remplace le CDV : l’arrêt est juste devant mais rien n’est indiqué ! Bref, si vous n’êtes pas initiés, vous êtes paumés … surtout si vous comptez sur les gilets rouges d’ADP !

Le bus met une ½ heure là où le CDV nous aurait mené à notre parking en 5 minutes : on se fait T1, PR, T2 by night avant d’arriver à PX, et Roissy, la nuit, c’est glauque de chez glauque !

On imagine la bonne idée de remplacer une navette électrique automatisée par un bus : bonjour l’empreinte écologique en plus des désagréments pour les passagers.

Mais les passagers du T3, ça doit être des pauvres, qui ne passent pas devant les magnifiques boutiques d’ADP … ou n’achèteraient pas !

C’est aussi des étrangers qui arrivent d’un peu partout et qui doivent se démerder comme ils peuvent … avec tous les risques d’erreurs s’ils demandent de l’aide aux gilets rouges : selon notre guide mécano (on a eu le temps de causer en attendant le bus) … les ratages d’avions, c’est pas rare.

Mais bon, une vision économique au lieu d’une vision service public, ça n’encourage pas à aider son prochain : au fait, j’ai cité la pétition contre la privatisation d’ADP, parce que le jour où ADP sera privé, faudra voyager au minimum en business pour avoir droit à un peu de considération.

Vae Victis 

PS : une belle photo de Tunisie en illustration pour se remonter le moral !

Des gentils Bisounours aux vilains Trolls

Il y avait bien déjà eu un 1er travail de sape dès 1976 avec le lancement des Produits Libres par Carrefour : désormais, ce n’est la marque du fabricant qui cautionne le produit, mais l’enseigne qui le distribue.

Il y avait bien eu aussi une alerte à la fin des années 90, avec notamment la publication du livre de Naomi Klein No Logo : la tyrannie des marques … Mais c’était bien avant, au millénaire dernier !

Avec le Web 2.0, tout allait être différent : marques et consommateurs allaient renouer le dialogue, enfin discuter d’égal à égal – le fameux P2P, de pair à pair – et construire ensemble de nouveaux produits et services, totalement adaptés à leurs besoins.

Ainsi dès 2005, Lego lançait sa Lego Factory où tout un chacun pouvait concevoir ses propres modèles à l’aide d’un petit programme pour les recevoir ensuite par la poste ; et certaines proposition entrèrent même dans l’offre standard de la marque.

Deux ans plus tard, Yves Rocher créait Les Végétaliseurs, 1er réseau social éco-citoyen, à l’initiative de ses salariés : 60 000 membres, 3 000 articles de blogs, un Phénix de Bronze en 2009 … les mains vertes dialoguaient entre elles, avec la bénédiction de la marque de cosmétiques.

Pour Lego, la machine se grippa plusieurs fois par la suite, notamment en 2015, quand l’artiste chinois Ai Weiwei révélait sur Instagram que le fabricant avait refusé de lui livrer les briques destinées à la confection de sa prochaine œuvre : les aficionados de la marque danoise se rebellèrent contre la stratégie trop servile à l’égard de Beijing de la marque.

Pas très glamour non plus ces photos sur Instagram de cuvettes de WC remplies de petites briques multicolores bien reconnaissables !

S’exposer sur les médias sociaux augmente considérablement la visibilité des marques et l’engagement des consommateurs à leur égard, mais nécessite de respecter une certaine éthique, de se montrer irréprochables … et ça, toutes n’y sont pas prêtes.

Et beaucoup ont fait les frais de la vindictes de leurs ex-amis Facebook ou autres followers, comme Monoprix qui en 2011 voulait licencier un employé de 59 ans, père de six enfants, pour avoir récupéré six melons et deux salades dans le conteneur à poubelles : devant la bronca des clients, la direction a dû reculer.

Pas très glamour non plus ces publicités détournées sur les médias sociaux où l’on pouvait lire : « On fait quoi pour vous aujourd’hui ? On licencie un vieil employé parce qu’il vole dans les poubelles pour nourrir ses enfants ! ».

Aujourd’hui des vidéos comme « Les marques nous mentent-elles ? » cartonnent à plus de 2 millions de vues sur Youtube ; et tout y passe, du greenwashing aux poulets bio en batterie, en passant par l’huile de palme et les arnaques des assureurs …

Fini le temps des Bisounours ! Désormais, les marques n’inspirent plus confiance, c’est même un euphémisme : selon l’Observatoire Cetelem, 3 Français sur 5 ne leur font plus confiance, toutes catégories confondues.

La faute sans doute à tous les nouveaux services de consommation collaborative où les consommateurs se fient plus aux avis de parfaits inconnus – mais qui leur ressemblent, de vrais pairs … on en revient au P2P ! – qu’à tous les discours des marques.

La faute sans doute aussi à la distribution qui multiplie les opérations spéciales, Black Fridays et autres French Days, à un tel point qu’on ne sait plus quel est le vrai prix des produits et services que l’on achète.

La faute enfin … aux marques elles-mêmes qui s’engluent parfois dans des scandales sans fin, comme Lactalis avec ses salmonelles, Volkswagen et son « Diesel-gate », Findus et ses lasagnes à la viande de cheval.

Dès lors, à quoi servent aujourd’hui des marques qui ont perdu leur fonctions de repère et de garantie ?

A rien ?

Pour certains consommateurs, elles sont juste devenues des … punching balls ! Des objets avec lesquels ils vont jouer sur les médias sociaux.

Ils, ce sont les « vilains » trolls ! Mais qui sont-ils en réalité ? Des jeunes, bien sûr, biberonnés aux jeux en ligne, mais pas seulement : en fait, beaucoup de consommateurs déçus, qui ont juste envie de s’amuser sur les médias sociaux aux dépens de marques que bien souvent ils adulaient auparavant.

Et qui vont, par exemple, apostropher la @SNCF sur Twitter : « Je suis à bord de votre train qui part de Gare de Lyon et je fraude ». Ou plus violemment invectiver leur FAI en carafe : du jouer au moquer en passant par le vindicatif ou le donneur de leçons, on découvrira tous les profils de trolls sur les médias sociaux.

« Le trolling s’est immiscé partout », expliquait récemment un de ces trolls sur un journal en ligne ; « Maintenant les community manager sont rôdés et savent que pour gagner la guerre contre les trolls, il ne faut pas répondre ou être dans le même ton ».

Certaines s’exposent très maladroitement : en 2015, Nutella propose sur Facebook de se confectionner une étiquette personnalisée … mais bien entendu en blacklistant un certain nombre d’expressions comme obèse, cellulite, gras, kilo ou huile de palme : manque de chance, la liste, accessible aux petits futés, fuite sur la toile …

D’autres apprennent plus vite, comme la SNCF dont le community manager réagit avec plus de subtilité : « Vous nous donnez votre numéro de CB ou vous préférez attendre le contrôleur », répond-il du tac au tac à notre fraudeur …

Mais franchement, la marque n’a-t-elle mieux à faire que de payer ses employés à répliquer dans le ton qui va bien aux trolls qui la taquinent – ou l’agressent, c’est selon – sur les médias sociaux ?

La marque de demain doit réinventer sa relation à ses clients … et sa mission : sans cela, elle ne restera qu’un simple punching ball – peut-être très doué, mais un punching ball quand même – pour amuser la galerie !