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Le marketing par les nuls #4 : Qonto

Il n’y a pas de raison pour que les startups ne soient pas à l’honneur dans cette rubrique !

Il y a quelques jours, je reçois un communiqué de presse pour « Qonto, la néobanque des entreprises et des indépendants dont l’offre répond aux besoins des professionnels de l’événementiel, de la communication et du marketing notamment » : alléchant, non ?

Je clique sur le lien et débarque sur la page d’accueil de ladite néobanque … qui me déclare tout de go : « Afin d’optimiser votre expérience, ce site utilise des cookies, que vous acceptez en poursuivant votre navigation » ; avec un petit lien pour « en savoir plus ».

Et là, vous avez droit à toute la « Politique d’Utilisation des Cookie » de la startup qui vous explique que « lorsque vous vous connectez à notre plateforme, nous pouvons être amenés, sous réserve de vos choix, à installer divers cookies dans votre terminal ».

Suit la liste, qui va de Google Analytics à MailChimp en passant bien évidemment par Facebook Ads et autres Linkedin Insight Tag, etc. : de quoi se faire, pour la startup, un maximum de fric en valorisant les connexions de ses clients et visiteurs.

« Sous réserve de vos choix », disent-ils : « Vous pouvez configurer votre logiciel de navigation de manière à ce que des cookies soient enregistrés dans votre terminal ou, au contraire, qu’ils soient rejetés » ; mais attention, on vous aura prévenus : « Si vous refusez l’enregistrement de cookies dans votre terminal, ou si vous supprimez ceux qui y sont enregistrés, vous ne pourrez plus bénéficier d’un certain nombre de fonctionnalités qui sont néanmoins nécessaires pour naviguer dans certains espaces de notre plateforme. Tel serait le cas si vous tentiez d’accéder à nos contenus ou services qui nécessitent de vous identifier ».

Pourtant que dit la Cnil ? « Avant de déposer ou lire un cookie, les éditeurs de sites ou d’applications doivent :

  • Informer les internautes de la finalité des cookies,
  • Obtenir leur consentement,
  • Fournir aux internautes un moyen de les refuser ».

Renvoyer les internautes à leur navigateur après la lecture de fastidieuses pages de conditions juridiques correspond-il bien à l’esprit de ce qu’écrit le Cnil ? Pas sûr …

Bref, au lieu d’offrir un choix simple et clair aux internautes, Qonto fait tout pour son possible pour les dissuader de refuser ses cookies : et c’est le jackpot !

Car vous vous trouvez – enfin, si vous devenez client de « la néobanque des entreprises et des indépendants » – face à un fournisseur qui connaît tout de vous : non seulement vos données de navigation mais aussi … vos finances !

Je réponds donc à l’expéditeur du communiqué de presse : « Etre une néobanque n’empêche pas de respecter une certaine éthique et ses clients. Votre gestion des cookies n’est guère respectueuse, et même en limite de conformité par rapport au RGPD : en fait, elle fonctionne comme une pompe à données, qui croisées avec les données financières que vous aurez par ailleurs, risque de se révéler particulièrement intrusive pour ne pas dire malhonnête ».

Retour offusqué de l’agence de communication : « Il n’y a aucune malhonnêteté de mon côté » … sans doute … quoique …

Soit l’agence de RP s’est livré à la même analyse que moi sur la gestion des cookies mise en place par son client … et dans ce cas elle devient son complice ; soit elle ne l’a pas fait, et elle me semble bien naïve !

Quoi qu’il en soit, les startups, avec leur besoin absolu de grandir vite, très vite, ne me semblent pas plus, sinon moins, vertueuses que les entreprises traditionnelles : dans le « monde de l’après » qui devrait se construire aujourd’hui, on pourrait espérer mieux !

Quant à savoir si Qonto se révèle à l’usage une aussi bonne banque que ça, petit tour sur le Web : bien sûr, il convient de négliger les sites sensés délivrer des avis objectifs – et qui ne recopient que les communiqués de presse ! – et rendez-vous sur les forums d’entrepreneurs et autres freelances : et là, ça se corse, surtout si descends dans le fil des discussions du côté des clients les plus anciens : forum.pragmaticentrepreneurs.com.

Un petit coup d’œil sur les tarifs proposés et là encore, j’ai quelques doutes : ma banque personnelle – une « on ne peut plus traditionnelle » – offre plus de services pour moins cher !

Ethique-washing

Vous avez aimé le Greenwashing ? Vous allez adorer l’éthique-washing.

Greenwashing : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse », rappelle Wikipédia.

Sur ce modèle, on peut aisément construire : Ethique-washing : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image éthique trompeuse ».

Découvrez par exemple la superbe Charte éthique du groupe Auchan, qui dès les premières lignes donne le ton : « Auchan s’est développé depuis sa création en 1961 en s’appuyant sur un socle de convictions et de valeurs fortes et un engagement solide en matière d’éthique » : convictions, valeurs, voilà des termes forts !

La suite est du même acabit – et même bien entourée du beau filet rouge pour en souligner l’importance : « Nos valeurs nous inspirent au quotidien. Nous croyons que chacun aspire au mieux-vivre : toutes nos équipes ont pour ambition d’exercer leur métier de façon responsable et innovante afin d’améliorer la qualité de vie du plus grand nombre de femmes et d’hommes ».

Toutes les entreprises du groupe sont concernées : « partagée par les équipes de tous les pays, les Visions d’Auchan Retail, Oney et Immochan posent très clairement l’identité, la raison d’être, les engagements et l’ambition de chaque entreprise du Groupe ».

Auchan Retail, je connais ; mais Oney ? Je googlise donc et tombe sur cet article de France 3 Hauts de France : « Le groupe Auchan au cœur de l’optimisation fiscale maltaise ».

Ça ne sonne pas très éthique, comme le détaille une enquête de Mediapart relayée par Médiacités, qui détaille : « En juin 2011, deux sociétés ont été créées sur l’île de Malte : une pour l’assurance vie et l’autre pour l’assurance classique, comme l’expliquait Mediapart. Créée en mars 2011, une troisième société, nommée Oney Holding Limited, encaisse les dividendes des deux premières. Le taux officiel de l’impôt à Malte est de 35 %, davantage que les 33,3 % prélevés en France. Mais lorsqu’une société détenue par des étrangers distribue des dividendes à ses actionnaires, le fisc lui rembourse jusqu’à 85 % de l’impôt. Au total, entre 2014 et 2016, Auchan a ainsi économisé 21 millions d’euros d’impôts, selon les calculs de Mediapart ».

Auchan comme Decathlon, Auchan, Boulanger, Orsay, Adeo, Saint-Maclou et quelques autres, appartiennent à l’Association familiale Mulliez, elle-même en délicatesse avec le fisc français, comme le rappelle Capital : mais peut-être l’éthique des filiales ne concerne pas le sommet de la pyramide.

Pourtant, c’est un autre article récemment découvert dans Libération qui a le plus suscité ùon indignation et m’a conduit à rédiger ce billet, article intitulé : « Les liaisons dangereuses du français Voltalia avec la Birmanie ».

Voltalia, je ne connaissais pas plus qu’Oney, donc je consulte Wikipédia :« Voltalia est une entreprise française du groupe Mulliez qui construit et exploite des centrales électriques à partir d’énergie renouvelable, en France et dans les pays émergents ».

« Energie renouvelable » : ça sonne plutôt bien ;« pays émergents » : on peut espérer le meilleur … ou craindre le pire !

Ce nous présente le quotidien confirme aussitôt mes craintes : « Voltalia fournit de l’électricité renouvelable depuis février 2018 à MyTel » … et ce MyTel, c’est en fait Myanmar Economic Corporation, « l’un des deux puissants conglomérats du pays aux mains de l’armée birmane ».

Il faut savoir que l’armée birmane, pour ne pas avoir à rendre de compte à un parlement pourtant totalement à la botte, finance ses exactions contre les Rohingyas via ces deux conglomérats … ce qui signifie que le groupe Mulliez, via Voltalia, porte sa part de responsabilité dans l’extermination de la minorité des Rohingyas.

Suite à un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU soulignant que « toute activité commerciale étrangère impliquant le Tatmadaw [= forces armées birmanes] et ses conglomérats présentait un risque élevé de contribuer ou d’être liée à des violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire », des entreprises comme Western Union ou Newtec, fournisseur en services technologiques de MyTel, ont cessé toutes activités en Birmanie.

Pas Voltalia, malgré les demandes pressantes d’ONG comme Sherpa, RSF et Info Birmanie.

A l’heure où le concept « d’entreprise à mission » a le vent en poupe – pour ne pas dire est « tendance », – il me semble particulièrement dommageable que des sociétés ne tiennent pas leurs promesses, comme le Groupe Mulliez.

Personnellement, j’aurais bien du mal à travailler dans une entreprise sans éthique … même si cela réduit considérablement le champ des possibles ; je pense en outre qu’il convient de militer pour convaincre les mauvais élèves de s’améliorer … mais il y aura toujours des brebis galeuses, hélas !

Par contre, que d’aucuns se permettent d’afficher des chartes éthiques pour ne pas respecter les principes fondamentaux de l’Ethique – avec une majuscule – cela ne peut que se révéler triplement catastrophique.

Pour leur image de marque, parce qu’un jour tout se sait … mais ça, on s’en fout un peu.

Pour la société humaine : même si une société n’écrit pas ouvertement qu’elle ne participera jamais à un génocide, ou s’en rendra complice – c’est tellement évident –, ce n’est pas une raison de le faire … et de continuer à le faire en toute connaissance de cause.

Et pour le marketing : car ce sont toujours les marketers que l’on accusera de mentir – tous coupables bien évidemment –, même ceux qui pratiquent un marketing vertueux et responsable.

La profession ne faudrait peut-être pas attendre qu’une ONG lance les Prix Pinocchio de l’éthique-washing – comme existent ceux du green-washing : c’est à elle de balayer devant sa porte avant que d’autres s’en chargent.