30 janvier 2020
1ère partie de ma
contribution au livre blanc : Imaginer
l’assurance de demain, publié par le Think Tank Demain l’assurance, téléchargeable ici.
Les inégalités, ce ne sont pas que des chiffres !
Selon une étude réalisée par le Centre Kantar sur le Futur de l’Europe[1],
pour les Français – mais aussi les Allemands – « les inégalités sont un problème majeur : respectivement 38% et
37% », contre seulement « 16%
en Grande-Bretagne » : des chiffres qui interrogent … surtout le
dernier pour qui a déjà vu les films de Ken
Loach.
D’autant que le coefficient de Gini[2]
montre que « les inégalités sont
relativement faibles en 2016 en France (0,293), en Allemagne (0,295) » mais « légèrement supérieures (c’est-à-dire
très modérées) en Grande-Bretagne (0,315) » : bref, les Anglais,
moins égalitaires que les Français, ne se soucieraient pas vraiment des
inégalités !
Inégalités qui renverraient donc en
fait à deux réalités, l’une financière, l’autre psychologique, l’une
nourrissant l’autre … mais pas seulement.
Revenons à l’année 2016 et penchons
nous sur le niveau de vie moyen des
Français, tel que mesuré par l’Insee – ce dernier correspond au « revenu disponible du ménage divisé
par le nombre d’unités de consommation », une unité « étant attribuée au premier adulte,
0,5 aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 aux enfants de moins de 14
ans » … ouf !
Donc ce niveau de vie moyen s’élevait à 23 580 € en 2016, soit
1 965 € mensuels.
L’Insee divise la population en 10
déciles, le 1er correspondant aux 10% de Français ayant le plus
faible niveau de vie et le dernier, les 10% bénéficiant du niveau le plus
élevé, soit 8 380 € pour les uns contre 56 230 € pour les autres.
Soit encore 698 € par mois versus
4 686 € et un rapport de 1 à 6,71 : imaginez un instant une personne
seule vivant moins de 700 € mensuels … même pas en rêve à Paris, vu le coût des
loyers.
698 € par mois pour les 10% de
Français les plus pauvres, versus 4 686 € pour les 10% les plus riches … et
8 850 € pour le 1% le plus riche (106 210 € par an) – soit un rapport
de 1 à 12,67 : les inégalités ne sont pas que psychologiques !
La part du revenu national détenue
par ce 1% le plus riche s’élevait à 10,8% en 2014 contre 7,5% 30 ans plus tôt
en 1984 ; pour retrouver ce même niveau de 10,8%, il faut remonter à
nouveau 20 ans en arrière, en 1964.[3]
Globalement, les inégalités se sont
réduites en France durant les Trente Glorieuses pour se recreuser à partir des
années 80 : le rapport de 1 à 6,71 entre le 1er et le
dernier décile précédemment évoqué n’était encore que 6,19 en 2001 – pas
sûr que tout cela aille dans le sens égalitaire.
D’autant que les plus pauvres
doivent faire face à des charges de plus en plus élevées.
Ainsi la part des dépenses
pré-engagées – celles qu’un ménage ne peut éviter à moins de se retrouver SDF
puisque le logement y occupe la majeure part, devant les assurances et les
télécoms – a-t-elle grimpé de 12,3% à 29,1% de 1959 à 2013 !
Surtout, ces dépenses ne touchent
pas pareillement tous nos concitoyens : elles représentent 56% des
dépenses d’un couple avec un enfant pour les 25% des Français les plus pauvres
contre seulement 24% pour les 25% les plus riches ; surtout elles sautent
à 65% pour une famille monoparentale et 71% pour une personne seul pour les 25%
les plus pauvres : il ne reste pas grand-chose pour se faire plaisir …
surtout qu’alimentation, vêtements, essence ne sont pas inclus dans ces
fameuses dépenses pré-engagées.
Et c’est même là que le financier
rejoint le psychologique et que vont pouvoir éclater des crises comme celle des
Gilets Jaunes.
[1] Centre Kantar sur le Futur de l’Europe, 18
Septembre 2018.
[2] Coefficient très prisé des
économistes bien qu’également très critiqué :
Le Gini, ça peut faire Pschitt !
[3] Source : Garbinti, Goupille-Lebret, Piketty, 2017, cités par Alternatives économiques.