Fake News Archives - Marketing is Dead
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Mensonges

Avec mes copains des Mardis du Luxembourg, on a décidé de se pencher sur les fake news, l’autorité face aux fake news, l’autorité qui profite des fake news, etc. Un sujet un peu vaste que chacun prend par un bout, triture à sa façon, confronte aux autres membres du groupe … avec pour objectif, un livre au peu bizarre d’ici l’été.

Ne sachant ni par où commencer, ni vers où me diriger, j’ai décidé de publier ici quelques réflexions au fil de l’eau … on verra bien !

#1 – Prologue

Aussi loin que je me souvienne, la vie n’était que mensonges.

Premier mensonge : « Si tu n’es pas sage, le Père Noël ne passera pas ».

Le Père Noël ! Vaste escroquerie qui a conduit des hordes d’enfants à tenter de ne pas s’endormir pour voir passer le Père Noël – et par où, dans ces appartements modernes sans cheminée ?

Duperie bien innocente et festive … mais duperie quand même : pourquoi ce besoin de falsifier la réalité pour se donner le droit de faire plaisir ? Pourquoi devoir justifier d’offrir des cadeaux à ses enfants ?

A qui profite le … crime ?

Aux parents, qui négocient leur générosité : si tu n’es pas sage, tu n’auras rien ! Qui achètent la paix familiale, donc.

Aux marchands, qui adorent les fêtes, bien évidemment.

Aux autorités de tous poils enfin – en plus de l’autorité parentale précédemment évoquée.

Autorités religieuses, bien sûr, qui récupèrent des traditions païennes et les inscrivent dans un vaste programme de célébration de la naissance du Christ.

Autorités civiles, qui y gagnent de la paix et de la cohésion sociale – la trêve des confiseurs.

Tous gagnants, semble-t-il : les enfants couverts de cadeaux, les parents, les prêtres, les politiques …

Et l’on oublie les perdants : les enfants – à qui l’on brouille déjà la frontière entre le bien et le mal ; les parents – qui sont aussi des citoyens, et perdent soudain leur sens critique face aux autorités …

Surtout le Père Noël institue l’idée que l’on peut mentir en toute innocence : le pire mensonge qui soit !

Second mensonge : « Tu iras au Paradis … ou en Enfers », c’est selon !

Entre 4 et 7 ans, les enfants découvrent qu’ils mourront un jour : « Je ne veux pas mourir moi » … et il est si facile de leur mentir : « Mais non, il y a une vie après mort ».

Et voilà le petit rassuré et le problème repoussé à plus tard : un mensonge pour la bonne cause, donc.

Un mensonge qui profite avant tout aux parents, semble-t-il … mais pas seulement : il fait le bonheur des églises, qui assoient dessus leur autorité – en fait les parents participent à faire perdurer leur propre asservissement.

Un mensonge également utile aux autorités civiles, comme le faisait si justement remarquer ce bon vieux Karl : si la vraie vie se situe dans un au-delà, inutile de se battre pour réaliser son bonheur en ce bas monde.

Propos de mécréants, athées, impies, sceptiques … peu importe : de multiples autorités se fondent sur cette affirmation non fondée d’une vie après la mort, et qui plus est, éternelle !

Cela convient si bien aux autorités politiques que dans certains états américains, on enseigne le créationnisme dans les écoles, plutôt que le darwinisme.

Dès notre plus jeune âge, on nous enseigne par l’expérience qu’il est d’innocents mensonges – pour ne pas dire de « bons mensonges » ? – et que l’on a le droit de mentir « pour la bonne cause » : une fois la désinformation instaurée, la suite apparaît logique, naturelle.

La suite ? Les guerres, la xénophobie, l’oppression …

Il n’y a que le 1er pas qui coûte !

Une bonne cause ne justifie pas tout

En 2005, L’Oréal lance en un faux blog, le Journal de ma peau, destiné à assurer la promotion de Peel Microabrasion, un produit de gommage de Vichy : durant les 21 jours que dure le traitement, Claire, une charmante jeune fille, va quotidiennement rendre compte de l’état de sa peau.

Problème, les consommatrices ne s’en laissent pas compter et dénoncent la supercherie : la marque reconnaît alors son erreur, avant d’opérer un virage à 180° et d’inviter de « vraies » bloggeuses à essayer le produit et publier librement leurs impressions.

En retraçant ici cette assez piteuse histoire, je concluais : « Sur le Net, pour une marque, seule l’honnêteté paie réellement ».

Depuis, fake news et désinformation se sont invités sur la toile, et on a parfois bien du mal à faire le tri entre exagération et propos volontairement mensongers, entre négationnisme et tromperie bassement commerciale.

Raison de plus, notamment lorsqu’on est une institution, de se montrer vigilant et exemplaire lors de ses prises de parole : il y a devoir d’exemplarité.

J’avoue avoir trouvé choquante la campagne réalisée par le Fonds Actions Addictions pour promouvoir son site Le village des addictions.

Les startups ont popularisé le Growth Hacking, une technique qui consiste à tout oser pour exister, le cas le plus flagrant étant celui d’Airbnb qui a détourné les clients de la plateforme de petites annonces américaine Craigslist ; mais les startups n’ont rien à perdre, elles sont juste obsédées par la vitesse !

L’agence du fonds a créé un faux compte Instagram, celui de Louise Delage, une charmante jeune femme que l’on découvre au fil des jours, posant avec ses amis ou seule au bord de la plage … mais toujours un verre à la main – ou du moins, on découvre toujours le présence d’une bouteille ou d’un verre de boisson alcoolisée sur les photos.

Parfois, il faut prendre une loupe et j’avoue même que sur celle qui illustre ce papier, j’ai cherché …

150 publications et 107k abonnés plus tard, les responsables de ce fake expliquent : « Les followers ont pu pendant un mois et demi faire la connaissance de Louise Delage : une jeune Parisienne de 25 ans, souriante, pétillante, qui semble profiter pleinement de la vie. Que ce soit au cours d’un afterwork entre collègues, lors de ces vacances en Bretagne, à Saint Tropez, ou encore à Berlin, chacune de ses photos met en scène de façon plus ou moins discrète la présence d’alcool ».

So what ? « Ce n’est qu’en regardant son profil avec recul que l’on se rend compte que les followers, bien que proches de Louise, sont passés à côté de l’essentiel : son alcoolisme … ».

Plusieurs remarques.

« Sont passés à côté de l’essentiel » : super bonne campagne, où le concept central n’est finalement pas très … évident ? On triche en créant une fausse Louise alcoolique, et on triche encore en faisant en sorte que son addiction ne soit pas trop flagrante …

Mais surtout, ce qui est indigne de la part d’un organisme qui déclare se fonder sur « une démarche citoyenne » : en agissant ainsi, ils justifient que l’on puisse – dans certains cas, bien sûr – fonder sa communication sur le mensonge.

C’est évidemment la porte ouverte à tous les négationnismes et aux pires crapuleries : il n’y a pas de bons et de mauvais mensonges, il est indigne de piéger les gens, fusse pour une bonne cause.

En fait, ils se sont mis dans la peau d’une startup face aux grands groupes : comment exister à côté des Aides et autres Greenpeace ?

Et c’est sans doute leur plus grave mensonge : la cible de cette opération de communication, ce n’était pas vraiment les jeunes qui côtoient d’autres jeunes accros à l’alcool – ils le reconnaissent eux-mêmes : ceux-ci « sont passés à côté de l’essentiel ». 

Non, la vraie cible, ce sont les pouvoirs publics et parapublics, les donneurs, les institutions qui se battent pour d’autres grandes causes : maintenant, ils sont prévenus, il y a un petit dernier avec des dents longues – médiatiquement parlant, s’entend.

Tout cela valait-il un mensonge, qui bien évidemment ouvre la voie à d’autres ?