23 septembre 2019
Il
y avait bien déjà eu un 1er travail de sape dès 1976 avec le
lancement des Produits Libres par
Carrefour : désormais, ce n’est la marque du fabricant qui cautionne le
produit, mais l’enseigne qui le distribue.
Il
y avait bien eu aussi une alerte à la fin des années 90, avec notamment la publication
du livre de Naomi Klein No Logo : la
tyrannie des marques … Mais c’était bien avant, au millénaire
dernier !
Avec
le Web 2.0, tout allait être différent : marques et consommateurs allaient
renouer le dialogue, enfin discuter d’égal à égal – le fameux P2P, de pair à
pair – et construire ensemble de
nouveaux produits et services, totalement adaptés à leurs besoins.
Ainsi
dès 2005, Lego lançait sa Lego Factory
où tout un chacun pouvait concevoir ses propres modèles à l’aide d’un petit programme
pour les recevoir ensuite par la poste ; et certaines proposition
entrèrent même dans l’offre standard de la marque.
Deux
ans plus tard, Yves Rocher créait Les
Végétaliseurs, 1er réseau social éco-citoyen, à l’initiative de
ses salariés : 60 000 membres, 3 000 articles de blogs, un Phénix de Bronze en 2009 … les mains
vertes dialoguaient entre elles, avec la bénédiction de la marque de cosmétiques.
Pour
Lego, la machine se grippa plusieurs fois par la suite, notamment en 2015,
quand l’artiste chinois Ai Weiwei révélait sur Instagram que le fabricant avait
refusé de lui livrer les briques destinées à la confection de sa prochaine
œuvre : les aficionados de la marque danoise se rebellèrent contre la
stratégie trop servile à l’égard de Beijing de la marque.
Pas
très glamour non plus ces photos sur Instagram de cuvettes de WC remplies de
petites briques multicolores bien reconnaissables !
S’exposer
sur les médias sociaux augmente considérablement la visibilité des marques et
l’engagement des consommateurs à leur égard, mais nécessite de respecter une
certaine éthique, de se montrer irréprochables … et ça, toutes n’y sont pas
prêtes.
Et
beaucoup ont fait les frais de la vindictes de leurs ex-amis Facebook ou autres
followers, comme Monoprix qui en 2011 voulait licencier un employé de 59 ans,
père de six enfants, pour avoir récupéré six melons et deux salades dans le conteneur
à poubelles : devant la bronca des clients, la direction a dû reculer.
Pas
très glamour non plus ces publicités détournées sur les médias sociaux où l’on
pouvait lire : « On fait quoi
pour vous aujourd’hui ? On licencie un vieil employé parce qu’il vole dans
les poubelles pour nourrir ses enfants ! ».
Aujourd’hui
des vidéos comme « Les marques nous
mentent-elles ? » cartonnent à plus de 2 millions de vues sur
Youtube ; et tout y passe, du greenwashing aux poulets bio en batterie, en
passant par l’huile de palme et les arnaques des assureurs …
Fini
le temps des Bisounours ! Désormais, les marques n’inspirent plus
confiance, c’est même un euphémisme : selon l’Observatoire Cetelem, 3
Français sur 5 ne leur font plus confiance, toutes catégories confondues.
La
faute sans doute à tous les nouveaux services de consommation collaborative où
les consommateurs se fient plus aux avis de parfaits inconnus – mais qui leur
ressemblent, de vrais pairs … on en revient au P2P ! – qu’à tous les
discours des marques.
La
faute sans doute aussi à la distribution qui multiplie les opérations
spéciales, Black Fridays et autres French Days, à un tel point qu’on ne
sait plus quel est le vrai prix des produits et services que l’on achète.
La
faute enfin … aux marques elles-mêmes qui s’engluent parfois dans des scandales
sans fin, comme Lactalis avec ses salmonelles, Volkswagen et son « Diesel-gate », Findus et ses
lasagnes à la viande de cheval.
Dès
lors, à quoi servent aujourd’hui des marques qui ont perdu leur fonctions de
repère et de garantie ?
A
rien ?
Pour
certains consommateurs, elles sont juste devenues des … punching
balls ! Des objets
avec lesquels ils vont jouer sur les médias sociaux.
Ils,
ce sont les « vilains »
trolls ! Mais qui sont-ils en réalité ? Des jeunes, bien sûr,
biberonnés aux jeux en ligne, mais pas seulement : en fait, beaucoup de
consommateurs déçus, qui ont juste envie de s’amuser sur les médias sociaux aux
dépens de marques que bien souvent ils adulaient auparavant.
Et
qui vont, par exemple, apostropher la @SNCF sur Twitter : « Je suis à bord de votre train qui
part de Gare de Lyon et je fraude ». Ou plus violemment invectiver
leur FAI en carafe : du jouer au moquer en passant par le vindicatif ou le
donneur de leçons, on découvrira tous les profils de trolls sur les médias
sociaux.
« Le trolling
s’est immiscé partout »,
expliquait récemment un de ces trolls sur un journal en ligne ; « Maintenant les community manager sont rôdés et
savent que pour gagner la guerre contre les trolls, il ne faut pas répondre ou
être dans le même ton ».
Certaines
s’exposent très maladroitement : en 2015, Nutella propose sur Facebook de se
confectionner une étiquette personnalisée … mais bien entendu en blacklistant
un certain nombre d’expressions comme obèse,
cellulite, gras, kilo ou huile de palme : manque de chance, la liste,
accessible aux petits futés, fuite sur la toile …
D’autres
apprennent plus vite, comme la SNCF dont le community manager réagit avec plus de subtilité :
« Vous nous donnez votre numéro de
CB ou vous préférez attendre le contrôleur », répond-il du tac au tac
à notre fraudeur …
Mais
franchement, la marque n’a-t-elle mieux à faire que de payer ses employés à
répliquer dans le ton qui va bien aux trolls qui la taquinent – ou l’agressent,
c’est selon – sur les médias sociaux ?
La
marque de demain doit réinventer sa relation à ses clients … et sa mission :
sans cela, elle ne restera qu’un simple punching
ball – peut-être très
doué, mais un punching ball quand
même – pour amuser la galerie !