Blog - Marketing is Dead
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Des gentils Bisounours aux vilains Trolls #2

2ème partie de ma contribution à l’ouvrage collectif WEB 2.0 15 ans déjà et après ? ; pour lire celles de mes copains, le livre s’achète ici … et pour relire la 1ère partie, c’est ici.

Aujourd’hui des vidéos comme « Les marques nous mentent-elles ? » cartonnent à plus de 2 millions de vues sur Youtube ; et tout y passe, du greenwashing aux poulets bio en batterie, en passant par l’huile de palme et les arnaques des assureurs …

Fini le temps des Bisounours ! Désormais, les marques n’inspirent plus confiance, c’est même un euphémisme : selon l’Observatoire Cetelem, 3 Français sur 5 ne leur font plus confiance, toutes catégories confondues.

La faute sans doute à tous les nouveaux services de consommation collaborative où les consommateurs se fient plus aux avis de parfaits inconnus – mais qui leur ressemblent, de vrais pairs … on en revient au P2P ! – qu’à tous les discours des marques.

La faute sans doute aussi à la distribution qui multiplie les opérations spéciales, Black Fridays et autres French Days, à un tel point qu’on ne sait plus quel est le vrai prix des produits et services que l’on achète.

La faute enfin … aux marques elles-mêmes qui s’engluent parfois dans des scandales sans fin, comme Lactalis avec ses salmonelles, Volkswagen et son « Diesel-gate », Findus et ses lasagnes à la viande de cheval.

Dès lors, à quoi servent aujourd’hui des marques qui ont perdu leur fonctions de repère et de garantie ?

A rien ?

Pour certains consommateurs, elles sont juste devenues des … punching balls ! Des objets avec lesquels ils vont jouer sur les médias sociaux.

Ils, ce sont les « vilains » trolls ! Mais qui sont-ils en réalité ? Des jeunes, bien sûr, biberonnés aux jeux en ligne, mais pas seulement : en fait, beaucoup de consommateurs déçus, qui ont juste envie de s’amuser sur les médias sociaux aux dépens de marques que bien souvent ils adulaient auparavant.

Et qui vont, par exemple, apostropher la @SNCF sur Twitter : « Je suis à bord de votre train qui part de Gare de Lyon et je fraude ». Ou plus violemment invectiver leur FAI en carafe : du jouer au moquer en passant par le vindicatif ou le donneur de leçons, on découvrira tous les profils de trolls sur les médias sociaux.

« Le trolling s’est immiscé partout », expliquait récemment un de ces trolls sur un journal en ligne ; « Maintenant les community manager sont rôdés et savent que pour gagner la guerre contre les trolls, il ne faut pas répondre ou être dans le même ton ».

Certaines s’exposent très maladroitement : en 2015, Nutella propose sur Facebook de se confectionner une étiquette personnalisée … mais bien entendu en blacklistant un certain nombre d’expressions comme obèse, cellulite, gras, kilo ou huile de palme : manque de chance, la liste, accessible aux petits futés, fuite sur la toile …

D’autres apprennent plus vite, comme la SNCF dont le community manager réagit avec plus de subtilité : « Vous nous donnez votre numéro de CB ou vous préférez attendre le contrôleur », répond-il du tac au tac à notre fraudeur …

Mais franchement, la marque n’a-t-elle mieux à faire que de payer ses employés à répliquer dans le ton qui va bien aux trolls qui la taquinent – ou l’agressent, c’est selon – sur les médias sociaux ?

La marque de demain doit réinventer sa relation à ses clients … et sa mission : sans cela, elle ne restera qu’un simple punching ball – peut-être très doué, mais un punching ball quand même – pour amuser la galerie !

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Le marketing par les nuls #4 : Qonto

Il n’y a pas de raison pour que les startups ne soient pas à l’honneur dans cette rubrique !

Il y a quelques jours, je reçois un communiqué de presse pour « Qonto, la néobanque des entreprises et des indépendants dont l’offre répond aux besoins des professionnels de l’événementiel, de la communication et du marketing notamment » : alléchant, non ?

Je clique sur le lien et débarque sur la page d’accueil de ladite néobanque … qui me déclare tout de go : « Afin d’optimiser votre expérience, ce site utilise des cookies, que vous acceptez en poursuivant votre navigation » ; avec un petit lien pour « en savoir plus ».

Et là, vous avez droit à toute la « Politique d’Utilisation des Cookie » de la startup qui vous explique que « lorsque vous vous connectez à notre plateforme, nous pouvons être amenés, sous réserve de vos choix, à installer divers cookies dans votre terminal ».

Suit la liste, qui va de Google Analytics à MailChimp en passant bien évidemment par Facebook Ads et autres Linkedin Insight Tag, etc. : de quoi se faire, pour la startup, un maximum de fric en valorisant les connexions de ses clients et visiteurs.

« Sous réserve de vos choix », disent-ils : « Vous pouvez configurer votre logiciel de navigation de manière à ce que des cookies soient enregistrés dans votre terminal ou, au contraire, qu’ils soient rejetés » ; mais attention, on vous aura prévenus : « Si vous refusez l’enregistrement de cookies dans votre terminal, ou si vous supprimez ceux qui y sont enregistrés, vous ne pourrez plus bénéficier d’un certain nombre de fonctionnalités qui sont néanmoins nécessaires pour naviguer dans certains espaces de notre plateforme. Tel serait le cas si vous tentiez d’accéder à nos contenus ou services qui nécessitent de vous identifier ».

Pourtant que dit la Cnil ? « Avant de déposer ou lire un cookie, les éditeurs de sites ou d’applications doivent :

  • Informer les internautes de la finalité des cookies,
  • Obtenir leur consentement,
  • Fournir aux internautes un moyen de les refuser ».

Renvoyer les internautes à leur navigateur après la lecture de fastidieuses pages de conditions juridiques correspond-il bien à l’esprit de ce qu’écrit le Cnil ? Pas sûr …

Bref, au lieu d’offrir un choix simple et clair aux internautes, Qonto fait tout pour son possible pour les dissuader de refuser ses cookies : et c’est le jackpot !

Car vous vous trouvez – enfin, si vous devenez client de « la néobanque des entreprises et des indépendants » – face à un fournisseur qui connaît tout de vous : non seulement vos données de navigation mais aussi … vos finances !

Je réponds donc à l’expéditeur du communiqué de presse : « Etre une néobanque n’empêche pas de respecter une certaine éthique et ses clients. Votre gestion des cookies n’est guère respectueuse, et même en limite de conformité par rapport au RGPD : en fait, elle fonctionne comme une pompe à données, qui croisées avec les données financières que vous aurez par ailleurs, risque de se révéler particulièrement intrusive pour ne pas dire malhonnête ».

Retour offusqué de l’agence de communication : « Il n’y a aucune malhonnêteté de mon côté » … sans doute … quoique …

Soit l’agence de RP s’est livré à la même analyse que moi sur la gestion des cookies mise en place par son client … et dans ce cas elle devient son complice ; soit elle ne l’a pas fait, et elle me semble bien naïve !

Quoi qu’il en soit, les startups, avec leur besoin absolu de grandir vite, très vite, ne me semblent pas plus, sinon moins, vertueuses que les entreprises traditionnelles : dans le « monde de l’après » qui devrait se construire aujourd’hui, on pourrait espérer mieux !

Quant à savoir si Qonto se révèle à l’usage une aussi bonne banque que ça, petit tour sur le Web : bien sûr, il convient de négliger les sites sensés délivrer des avis objectifs – et qui ne recopient que les communiqués de presse ! – et rendez-vous sur les forums d’entrepreneurs et autres freelances : et là, ça se corse, surtout si descends dans le fil des discussions du côté des clients les plus anciens : forum.pragmaticentrepreneurs.com.

Un petit coup d’œil sur les tarifs proposés et là encore, j’ai quelques doutes : ma banque personnelle – une « on ne peut plus traditionnelle » – offre plus de services pour moins cher !

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Ethique-washing

Vous avez aimé le Greenwashing ? Vous allez adorer l’éthique-washing.

Greenwashing : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse », rappelle Wikipédia.

Sur ce modèle, on peut aisément construire : Ethique-washing : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image éthique trompeuse ».

Découvrez par exemple la superbe Charte éthique du groupe Auchan, qui dès les premières lignes donne le ton : « Auchan s’est développé depuis sa création en 1961 en s’appuyant sur un socle de convictions et de valeurs fortes et un engagement solide en matière d’éthique » : convictions, valeurs, voilà des termes forts !

La suite est du même acabit – et même bien entourée du beau filet rouge pour en souligner l’importance : « Nos valeurs nous inspirent au quotidien. Nous croyons que chacun aspire au mieux-vivre : toutes nos équipes ont pour ambition d’exercer leur métier de façon responsable et innovante afin d’améliorer la qualité de vie du plus grand nombre de femmes et d’hommes ».

Toutes les entreprises du groupe sont concernées : « partagée par les équipes de tous les pays, les Visions d’Auchan Retail, Oney et Immochan posent très clairement l’identité, la raison d’être, les engagements et l’ambition de chaque entreprise du Groupe ».

Auchan Retail, je connais ; mais Oney ? Je googlise donc et tombe sur cet article de France 3 Hauts de France : « Le groupe Auchan au cœur de l’optimisation fiscale maltaise ».

Ça ne sonne pas très éthique, comme le détaille une enquête de Mediapart relayée par Médiacités, qui détaille : « En juin 2011, deux sociétés ont été créées sur l’île de Malte : une pour l’assurance vie et l’autre pour l’assurance classique, comme l’expliquait Mediapart. Créée en mars 2011, une troisième société, nommée Oney Holding Limited, encaisse les dividendes des deux premières. Le taux officiel de l’impôt à Malte est de 35 %, davantage que les 33,3 % prélevés en France. Mais lorsqu’une société détenue par des étrangers distribue des dividendes à ses actionnaires, le fisc lui rembourse jusqu’à 85 % de l’impôt. Au total, entre 2014 et 2016, Auchan a ainsi économisé 21 millions d’euros d’impôts, selon les calculs de Mediapart ».

Auchan comme Decathlon, Auchan, Boulanger, Orsay, Adeo, Saint-Maclou et quelques autres, appartiennent à l’Association familiale Mulliez, elle-même en délicatesse avec le fisc français, comme le rappelle Capital : mais peut-être l’éthique des filiales ne concerne pas le sommet de la pyramide.

Pourtant, c’est un autre article récemment découvert dans Libération qui a le plus suscité ùon indignation et m’a conduit à rédiger ce billet, article intitulé : « Les liaisons dangereuses du français Voltalia avec la Birmanie ».

Voltalia, je ne connaissais pas plus qu’Oney, donc je consulte Wikipédia :« Voltalia est une entreprise française du groupe Mulliez qui construit et exploite des centrales électriques à partir d’énergie renouvelable, en France et dans les pays émergents ».

« Energie renouvelable » : ça sonne plutôt bien ;« pays émergents » : on peut espérer le meilleur … ou craindre le pire !

Ce nous présente le quotidien confirme aussitôt mes craintes : « Voltalia fournit de l’électricité renouvelable depuis février 2018 à MyTel » … et ce MyTel, c’est en fait Myanmar Economic Corporation, « l’un des deux puissants conglomérats du pays aux mains de l’armée birmane ».

Il faut savoir que l’armée birmane, pour ne pas avoir à rendre de compte à un parlement pourtant totalement à la botte, finance ses exactions contre les Rohingyas via ces deux conglomérats … ce qui signifie que le groupe Mulliez, via Voltalia, porte sa part de responsabilité dans l’extermination de la minorité des Rohingyas.

Suite à un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU soulignant que « toute activité commerciale étrangère impliquant le Tatmadaw [= forces armées birmanes] et ses conglomérats présentait un risque élevé de contribuer ou d’être liée à des violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire », des entreprises comme Western Union ou Newtec, fournisseur en services technologiques de MyTel, ont cessé toutes activités en Birmanie.

Pas Voltalia, malgré les demandes pressantes d’ONG comme Sherpa, RSF et Info Birmanie.

A l’heure où le concept « d’entreprise à mission » a le vent en poupe – pour ne pas dire est « tendance », – il me semble particulièrement dommageable que des sociétés ne tiennent pas leurs promesses, comme le Groupe Mulliez.

Personnellement, j’aurais bien du mal à travailler dans une entreprise sans éthique … même si cela réduit considérablement le champ des possibles ; je pense en outre qu’il convient de militer pour convaincre les mauvais élèves de s’améliorer … mais il y aura toujours des brebis galeuses, hélas !

Par contre, que d’aucuns se permettent d’afficher des chartes éthiques pour ne pas respecter les principes fondamentaux de l’Ethique – avec une majuscule – cela ne peut que se révéler triplement catastrophique.

Pour leur image de marque, parce qu’un jour tout se sait … mais ça, on s’en fout un peu.

Pour la société humaine : même si une société n’écrit pas ouvertement qu’elle ne participera jamais à un génocide, ou s’en rendra complice – c’est tellement évident –, ce n’est pas une raison de le faire … et de continuer à le faire en toute connaissance de cause.

Et pour le marketing : car ce sont toujours les marketers que l’on accusera de mentir – tous coupables bien évidemment –, même ceux qui pratiquent un marketing vertueux et responsable.

La profession ne faudrait peut-être pas attendre qu’une ONG lance les Prix Pinocchio de l’éthique-washing – comme existent ceux du green-washing : c’est à elle de balayer devant sa porte avant que d’autres s’en chargent.

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L’Académie malade du Covid-19

J’ai toujours eu de l’Académie Française une image de vieux messieurs ronchons … et j’avais tort : ma vision est sexiste, l’institution fondée par Richelieu comprend aussi des dames … certainement tout aussi ronchons (ronchonnes ?) !

Maintenant grâce à Valéry Giscard D’Estaing, on sait que ces vieux messieurs aiment bien passer la main aux fesses des dames … surtout quand ce sont de jeunes journalistes allemandes : on consacre le rapprochement franco-allemand comme on peut !

Ces plaisanteries mises à part – quoique dans le dernier cas, il semble bien que ce n’en soit pas une –, l’Académie Française se targue de constituer l’ultime rempart de la langue française – pardon la Langue Française – contre le – ou plutôt les – barbarismes : ce sont ces braves gens qui établissent comment nous devons parler … si nous souhaitons correctement deviser entre honnêtes gens et non bafouiller le galimatias des banlieues – car c’est bien connu, les jeunes des banlieues sont incapables de jacter compréhensible.

Quoiqu’il en soit, en entendant dans le métro une voix anonyme annoncer que la RATP prenait soin de ses passagers dans sa lutte « contre le Covid-19 », je me suis dit : « Diantre, voilà que la RATP commet des fautes de français ! Mais où va notre beau pays ».

Car on ne doit pas dire « le Covid-19 » mais  « la Covid-19 » : ainsi en a décidé l’Académie Française le 7 mai 2020 : « Covid est l’acronyme de corona virus disease, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation », précise-t-elle même ici.

Donc poursuit l’honorable société : « on devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie » ; mais elle souligne en passant que l’on « aurait pu préférer au nom anglais disease le nom latin morbus », histoire de faire un peu plus pédant.

Petite remarque en passant : si « disease » se traduit bien en français par « maladie », « Covid-19 » n’est pas l’acronyme d’une expression française incluant le mot « maladie », mais d’une expression anglaise et le terme « disease » n’est pas féminin, mais … neutre !

Manque de bol, le neutre est rarissime en français – même si pas totalement absent – et de toutes façons, il ne s’applique pas aux noms ; cela étant, le neutre existait en latin – ce latin si cher aux doctes académiciens – et ce neutre a souvent abouti en français moderne à … des masculins : « templum » a donné « temple ».

Mais surtout, une langue n’existe qu’au travers de ses dires : ce n’est pas une construction abstraite, codifiée et figée, comme les langages informatiques ! Une langue vit, se développe, et la langue française existe en totale indépendance de l’Académie : cette dernière ne peut que constituer – ou ne devrait que constituer – le réservoir d’une multitude d’expériences cumulées.

L’Académie ne devrait être que l’héritière de nos usages – et non le Père Fouettard prêt à sanctionner les dérives ; car ce sont ces dérives qui font une langue, qui caractérisent l’objet de leurs travaux : plutôt que de les condamner, ils devraient les applaudir.

Et se poser la nécessaire question de la masculinité du Covid-19 : pourquoi spontanément les Français ont-ils utilisé ce genre, quelles valeurs y attachent-ils, etc. La non féminité de la pandémie, voilà un sujet d’analyse intéressant dont, on s’en doute, les ronchon.ne.s ne se saisiront pas.

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Quelques nouvelles du front avec Hervé Kabla

Vient de paraître aux éditions Kawa Le confinement expliqué à mon boss ; rencontre avec son initiateur Hervé Kabla.

MarketingIsDead : Pourquoi un tel livre alors qu’on parle déjà de déconfinement ?

Hervé Kabla : Déconfinement, vraiment ? je ne suis pas si optimiste. Quand le gouvernement parle du 11 mai, quand on rentre dans les détails, on se rend compte qu’il y aura peu d’entreprises qui pourront effectivement sortir du confinement. Le livre restera d’actualité, parce que je pense que de nombreuses entreprises auront encore à réfléchir à l’impact du confinement.

Ce livre est né d’une série de questions, que je me suis posées dès la première semaine de confinement, comme de nombreux autres chefs d’entreprise et de patrons d’agence. Comment allons-nous fonctionner ? Quel va être l’impact sur les équipes ? Et sur les clients ? Pourrons-nous poursuivre notre activité commerciale ? Comment organiser un télétravail à grande échelle, alors que les enfants seront aussi à la maison avec leurs parents.

Un des patrons de mes agences partenaires, Benoit Raoult, dirige une agence à Shanghai. Autrement dit, en terme d’activité pendant le confinement, il disposait de 2 mois d’avances sur nous. En l’écoutant nous conseiller, je me suis dit qu’il y avait matière à écrire un livre pour aider les chefs d’entreprise pendant cette période particulière. J’ai contacté les éditions Kawa pour leur proposer le projet. Ils ont immédiatement suivi. J’ai embarqué 7 autres auteurs de la collection des livres expliqués à mon boss et c’était parti ! Le livre a été écrit en 10 jours, entre le 22 et le 31 mars, et est sorti officiellement le 6 avril.

Un dernier point : il était hors de question de gagner le moindre centime sur ce projet. Les revenus du livre seront intégralement reversés à la Fondation de France, dans le fond destiné au support des personnels de santé.

MarketingIsDead : Qui sont les auteurs ?

Hervé Kabla : Nous sommes huit auteurs, certains avaient déjà écrit dans la collection « à mon boss », comme Sylvie Lachkar, auteur du Social selling, Pierre Blanc, auteur de l’IA, ou Tiphaine Mayolle, auteur de La parentalité. Bien sûr, mon acolyte et alter ego Yann Gourvennec s’est totalement impliqué. Trois nouveaux auteurs nous ont rejoint : Emmanuelle Hervé, experte en communication de crise, Bertrand Duperrin, expert des RH et du digital et auteur de l’excellent blog Duperrin ) et Xavier de Mazenod, expert du télétravail.

Par ailleurs, nous avons interviewé des chefs d’entreprise avec des avis variés sur la posture à adopter face au confinement : Serge Delwasse (Cetrac), Manuel Diaz (eMakina), Clarisse Berrebi (cabinet Bolt), Philippe Grimminger (Flexsi) ou Christian Béghyn (Exos).

MarketingIsDead : Pourquoi ce livre intéresse-t-il les marketers ?

Hervé Kabla : Dans la phase difficile que nous traversons, il est important de jouer sur deux axes sur lesquels le marketing est fondamental : communiquer vis à vis des clients, préparer le futur.

Les clients, nos clients, sont dans le même pétrin que nous. Ils se demandent si leurs fournisseurs tiendront la route, si eux-mêmes auront la capacité à rebondir, ils attendent que nous leur parlions, sans leur mentir. Ces échanges seront fondamentaux. Les marques qui ne sauront pas communiquer pendant cette crise et qui continuerons de faire comme si de rien n’était, sans empathie, se trompent de combat. C’est, nous l’expliquons très tôt, l’une des priorités de l’entreprise confinée.

Préparer le futur a toujours été une des préoccupations des marketers. Anticiper les changements, identifier les besoins actuels et à venir, cela fait aussi partie de leur périmètre. C’est l’autre priorité à laquelle doivent s’atteler les marketeurs. Certaines entreprises vont devoir pivoter très rapidement. C’est faisable, il ne faut pas en avoir peur. D’autres doivent penser à imaginer de nouvelles offres, de nouveaux produits, sous peine de disparaître. Le digital devient, on le constate chaque jour, à coups de visioconférences et d’achats en ligne, non seulement essentiel, mais fondamental.

Bref, le confinement expliqué à mon boss est un livre qui vous concerne tous. Et en vous le procurant, vous ferez une bonne action.

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L’aventure au coin de la ride

Danielle Rapoport vient de publier L’aventure au coin de la ride ; rencontre avec l’auteure, sociologue, consultante, conférencière … et membre du Comité Scientifique de l’Adetem.

MarketingIsDead : S’il fallait résumer en quelques lignes L’aventure au coin de la ride, c’est quoi le propos de ton livre ?

Danielle Rapoport : Ce livre est un parcours de ce que représente le vieillissement, à plusieurs étapes de la vie de femmes et des hommes interrogé(e)s, et de mon propre vécu, croisé aux théories empruntant aux sciences humaines – psycho/socio/philosophie – et aux neurosciences.

J’y différencie le cheminement du « vieillir », ses changements, ses crises et résiliences, de ce qu’est « être vieux ». A cet apport pluridisciplinaire de femmes et d’hommes de l’art, s’ajoutent des anecdotes, et quatre grandes thématiques sont abordées : le rapport au temps, aux peurs, à son corps et au corps de l’autre, et le « marketing du vieillissement ».

Un des objectifs de l’ouvrage est de contribuer à casser les tabous et le cercle vicieux de la dépréciation de soi et du regard social sur le vieillissement et les changements qui jalonnent l’avancée en âge. Il s’agit là de décloisonner, de réconcilier dans leurs représentations et leur vécu jeunes et vieux, passé présent, futur, dans une volonté de « bientraitance » individuelle et collective. Retrouver et sauvegarder l’enfance en soi et ce jusqu’à la fin est un credo qui devrait soutenir l’avancée en âge. En soi, vieillir devient une aventure, car s’ouvrent des chemins inédits et insoupçonnés, par des choix concertés pour cette seconde et nouvelle vie.

MarketingIsDead : En quoi vieillir aujourd’hui est-il si différent de vieillir au siècle dernier ?

Danielle Rapoport : Il faut replacer le vieillissement dans le contexte sociétal de l’époque. Aujourd’hui, jeunisme et stigmatisation des différences se conjuguent au diktat de l’apparence, de l’agilité, de la vitesse, du présentisme. Avec en toile de fond un paradoxe intéressant : la projection plutôt délétère dans l’avenir et un réel allongement de l’espérance de vie.

Il faut donc interroger la place des vieillissants, celle qu’on leur permet et celle qu’ils prendront. S’ils n’ont pas le même rapport au temps que les plus jeunes, ils doivent trouver le sens qu’ils donneront aux vingt ou trente années qu’il leur restent à vivre après leur retraite, grâce aux progrès de la science et de la médecine.  Cette invention du « temps qui reste » est en soi une aventure, un « travail » dans le sens noble du terme ! Notons aussi les inégalités en fonction des conditions de vie, des niveaux socioculturels et de l’accès (décryptage) à l’information et aux soins. De plus, le souci de l’autre, des plus âgés, est rendu difficile par l’habitat urbain, où contrairement aux campagnes où les « vieux », même solitaires, ont leur place, ceux qui villes sont souvent isolés.

Au siècle dernier, la course à la jeunesse n’était pas aussi prégnante, moins portée par les rouages de la consommation et les avancées scientifiques. Les familles étaient plus structurées, deux ou trois générations vivant souvent sous un même toit. Les aînés y jouaient un rôle important, reconnu, n’étaient pas stigmatisés, et s’intégraient de manière évidente dans l’ensemble familial moins éclaté qu’aujourd’hui. Il faut dire que l’espérance de vie était bien plus courte. A l’heure actuelle, quatre ou cinq générations se disséminent aux quatre coins du monde. Et le virtuel, s’il joue un rôle majeur de lien, ne remplace pas le lien plus charnel, notamment avec ses grands-parents.

Il faut rajouter, contrairement au siècle dernier, les spécifiés et difficultés de la « génération pivot », qui se situe entre des parents dont il faut prendre soin et des enfant, même adultes, à soutenir matériellement.

MarketingIsDead : A qui profitent les vieux ? … c’est quoi, le « marketing du vieillissement » ?

Danielle Rapoport : J’ai utilisé ce concept en regard d’un article que j’avais publié dans La Croix sur le « marketing de la peur ». C’est simple : toute peur demande « réparation » par une solution réelle ou magique, définissable et crédible par la promesse qui en est faite d’agir comme antidote. Un quasi remède à la peur grâce à tel objet, action, aliment etc.

Vieillir peut faire peur aujourd’hui, par ses signes extérieurs – perte de sa beauté, séduction, de sa virilité etc. –  par les risques perçus liés à la maladie et à plus ou moins long terme à la dépendance.

Peur aussi d’être exclu de « là où ça se passe », y compris du monde du travail, quand autour de la cinquantaine vous êtes « mis en quarantaine » des employeurs et des recruteurs du fait de la concurrence des plus jeunes. Le vieillissement, surtout s’il n’est pas  qualifié (recevoir des publicités pour monte-escalier quand on est en grande forme !) « profite » financièrement à tous ceux qui proposent ces antidotes pour rajeunir ou conserver sa jeunesse, et qui ont d’ailleurs imaginé cette appellation valorisante de « seniors » pour ne pas dire « vieux ». Antidotes via la cosmétologie, la médecine, la chirurgie esthétique, le sport et ses injonctions de bouger plus – ce qui en soi n’est pas un mal sauf si ces règles sont culpabilisantes pour les plus paresseux ! –, l’alimentaire et ses multiples et incessantes innovations censées prolonger notre espérance de vie ou éviter telles maladies. Cela profite aussi aux donneurs de recettes et aux coachs, qui traitent du vieillissement  là encore comme une maladie à réparer, voire à éradiquer pour les plus extrêmes des transhumanistes.

L’idéologie actuelle du bien-être et du bonheurisme font leurs choux gras grâce aux personnes rendues plus vulnérables non seulement par leur avancée en âge, mais aussi par le regard social qui, peu ou prou, rejette le fait même de vieillir, et bien sûr de mourir !

A rajouter là encore les inégalités repérées entre celles et ceux qui savent, qui assument, qui réparent, et jouent à leur manière la carte du mieux vieillir en fonction de leur savoir, de leur pouvoir d’achat, de leurs désirs … et les autres.

MarketingIsDead : Le Covid 19 va-t-il changer notre rapport au vieillissement ?

Danielle Rapoport : Très étrange et complexe cette problématique, car j’y vois un maelström émotionnel et de représentations, dans une vision ambivalente, à la fois délétère et compassionnelle, de ces « vieux » malmenés par ce virus, et qui questionne notre propre rapport au vieillissement et à celui de nos proches.

Le Covid-19 fait mourir plus majoritairement les plus âgés, ce qui en soi est vrai, mais au plan communicationnel, le vieillissement se transformerait en catégorie, case, en cage (cf. les confinés des Ehpad) dans lesquelles quiconque âgé de plus de 75 ans serait vouée à l’arrêt de soins intensifs au profit de ceux dont l’espérance de vie est plus grande. Mais si les vieux payent le prix fort de cette infection, croisée au manque de moyens matériels et humains, c’est aussi du fait  de leurs polypathologies. Ce qui relativise le propos, si tant est que le « tri » s’effectue plutôt en fonction de la vaillance des corps que du seul critère légal de l’âge.

Le rapport à son propre vieillissement risque néanmoins d’être fragilisé. On peut supposer des attitudes de prévention renforcées, de protection. Ou à l’inverse des postures de déni, de rejet encore plus fort de la maladie et de la mort qui « n’arrivent qu’aux autres », par ceux qui se sentent, du fait de leur jeunesse, en soi-disante invulnérabilité. On le voit dans la transgression des gestes barrière, où la séparation d’avec les plus âgés n’est que plus affirmée.

Mais aussi d’autres modalités relationnelles. La compassion et la souffrance mettent en marche la solidarité des familles, renforcée par celle des institutions, du politique et des entreprises. Nombre de liens initiés par voix et image réunissent virtuellement les familles éclatées, où il faut préserver les plus vieux tout en se préservant soi-même. Ambivalence, d’un côté le souci du « care », de l’autre, celui de la survie individuelle.

Quand le virus aura fini sa partie, il y aura tant de choses à repenser, qu’il faudra prendre en compte le vécu de ces aînés qui ont survécu, qui ont eu peur parfois, qui auront à nous apprendre, notamment dans notre rapport à la mort jusqu’aujourd’hui bien occultée. Mais là, les chiffres égrenés du nombre de malades et de morts nous rappellent que nous sommes mortels.

Cette crise dans laquelle nous sommes est parsemée d’inconnues. Elle nous changera peut-être, se teintera d’oubli ou au contraire s’enrichira de liens intergénérationnels redécouverts, d’un rapport à soi différent, où la vulnérabilité fera la part du factice et de l’essentiel. Chacun devra y trouver la partition de son propre vieillissement.

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