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Consumer Insight

Innovation, entre raison et intuition.

Le Design thinking est très « tendance » aujourd’hui, démarche d’innovation que Wikipédia présente comme une « synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive » – même si elle date d’une bonne trentaine d’années.

D’autres techniques ont connu leur heure de gloire auparavant – et donnent toujours de très bons résultats – comme le Creative Problem Solving, très utilisé également par les instituts en matière d’innovation ; chaque étape du processus se compose d’une phase de divergence, suivie d’une phase de convergence : on génère des idées sans freins, puis on trie.

Les deux approches présentent l’intérêt de faire fonctionner nos deux cerveaux, gauche et droit ; ou plus simplement de s’appuyer – même si elles ne s’y réfèrent pas – sur les thèses défendues par Damasio dans l’Erreur de Descartes : raison et émotions cohabitent étroitement au sein du lobe frontal.

Toute démarche d’innovation doit lier intuition et réalité, d’où de nombreux allers et retours entre les divers acteurs participant au processus – et plus particulièrement le marketing (= la voie du consommateur) et les ingénieurs.

Chez Thomson Multimédia, nous confrontions systématiquement leurs idées aux attentes des utilisateurs potentiels ; puis les souhaits de ces derniers aux briques technologiques existantes : double confrontation des intuitions aux réalités, partant de l’offre dans un cas, et de la demande dans l’autre.

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Bien sûr, un tel process boucle sans cesse, jusqu’à l’alchimie prenne.

Chaque entreprise adaptera la démarche à son écosystème, tant interne qu’externe ; deux principes fondamentaux demeurent :

  • Pas d’innovation réussie fondée sur la seule intuition ou la seule raison ;
  • Toute dialectique intuition versus raison naît de la confrontation entre individus : l’innovation ne constitue pas un process solitaire.

C’est pourquoi on ne saurait laisser la totale maîtrise de l’innovation aux seuls ingénieurs … ou aux seuls marketers.

Le consommateur préfère la frugalité

Simple.jpg« Aux produits de dernière génération toujours plus complexes, les consommateurs préfèrent les appareils simples et faciles d’utilisation. »

Ce n’est pas moi qui le dit, mais McKinsey, après avoir interrogé 2000 américains.

Par contre, c’est votre serviteur qui a eu le plaisir de répondre aux questions de L’atelier, fort de mon expérience de « marketer 2.0 » … et de 10 années passées chez Thomson.

C’est vrai que pendant ces 10 ans, j’ai vécu au sein d’équipes fascinés par la « killing application » – l’innovation qui devait révolutionner le marché du high tech -, et qui ne souciaient pas trop des attentes des consommateurs en la matière … ou plutôt qui faisaient comme si les consommateurs ne pouvaient rêver que toujours plus de technologie.

Alors qu’ils ne rêvaient que de souffler.

Et de produits simples d’emploi !

Bon, je ne vais refaire l’interview ici, rendez-vous sur le site de L’atelier.

Le marketing, un conte de fée ?

cendrillon.jpgEn terme de produits – ou plus précisément de positionnement produits -, le marketing repose sur le triptyque : insight, bénéfice, support avec, certes, quelques variantes sémantiques, bénéfice pouvant se réécrire promesse ou avantage ; et support, justification ou reason why en bon franglais.

C’est son positionnement qui donne son sens réel au produit ou au service : sans ce travail, l’iPod ne resterait qu’un baladeur mp3 et Vivacio, une assurance vie. D’où cet enjeu capital : celui de la découverte du bon insight, celui permettra au produit dé séduire un maximum de clients en se démarquant efficacement de ses concurrents.

Reconnaissons-le : la quête du bon insight demeure souvent inachevée … Mais les marketers ne se laissent pas abattre pour autant et il ne se passe pas une semaine sans que l’on me demande si je n’ai pas une bonne recette pour en découvrir de nouveau : je n’aurais jamais dû nommer mon site ConsumerInsight !

Dans la majorité des cas, l’insight est présenté de manière négative : « C’est compliqué de devenir propriétaire lorsque l’on démarre dans la vie » (PPC évoquant le Crédit Foncier) ; « Il n’y a rien de plus insupportable pour un enfant que d’être séparé de son doudou«  (l’EBG commentant Le grand casting des Doudous de Brandt).

D’ailleurs, je renverrai à la définition « canonique » du Publicitor : « Un insight (on dit souvent insight consommateur) est la perception par le consommateur d’un problème ou d’un dilemme irrésolu sur la catégorie de produits où la marque opère ».

C’est confronté à un insight négatif que le bénéfice produit prend toute sa dimension : il comble un manque. Et plus ce dernier sera important, plus l’insight sera puissant.

Bref, le couple insight / bénéfice pourrait aisément se renommer : mise en évidence d’un manque / réparation de ce manque. Ce faisant, le marketing devient narratif : il raconte une histoire, certes brève, mais une histoire quand même.

Mais quel type d’histoire ?

Un mini conte de fée, du moins si l’on se réfère aux travaux de Vladimir Propp, tels que présentés dans Morphologie du conte.

Dans cet ouvrage, le folkloriste russe souligne que « les éléments constants, permanents, des contes sont les fonctions des personnages » ; par « fonctions », il faut entendre « actions » : les contes merveilleux ne se caractérisent pas par la présence d’un héros ou d’une princesse, mais par les actes de ces personnages.

« Le nombre de fonctions que comprend le conte merveilleux est limité » et « la succession des fonctions est toujours identique », précise encore le folkloriste russe : certains contes peuvent se développer en de longues circonvolutions et d’autres apparaître très brefs, peu importe : s’ils comportent les séquences clefs, et dans le bon ordre, ils appartiennent bel et bien à la catégorie des contes merveilleux.

Certaines fonctions se révèleront plus importantes que d’autres : ainsi la 19°, où « Le méfait initial est réparé ou le manque comblé (définition : réparation, désignée par K). Cette fonction forme couple avec le méfait ou le manque du moment où se noue l’intrigue (A). C’est ici que le conte est à son sommet ».

Le marketing s’inspire donc bien des contes de fée, il en rédige des minimalistes, réduits au couple manque initial / manque comblé, qui se réécrit ici en insight / bénéfice : mais après tout, ne retient-il pas les actions primordiales, celle « où se noue l’intrigue » et celle où « le conte est à son sommet », pour reprendre les propos mêmes de Propp.

Et le support ?

Parmi les personnages caratéristiques des contes, Propp identifie un « auxiliaire » dont « la sphère d’action comprend […] la réparation du méfait ou du manque ». L’auxiliaire, c’est l’objet merveilleux qui permet au héros d’accomplir sa quête, de remplir sa tâche.

Nous voici donc en présence de contes simplissimes – puisque réduits à deux fonctions – où interviennent essentiellement deux personnages : le héros / consommateur et l’auxiliaire / support ; le marketing propose bien des contes merveilleux à ses clients.

Et puise donc ainsi au plus profond de notre inconscient collectif : d’où sa force de conviction.

La publicité enrichira cette narration d’un nécessaire contenu discursif : Georges Péninou en fera la démonstration pour la communication bancaire, lors du séminaire Sémiotique II, organisé en 1983 par l’Irep.

La question pouvant se poser aujourd’hui de toutes ces communications qui cherchent à s’évader d’un tel canevas … et de leur éventuel pouvoir de conviction ; mais c’est là un autre débat !

Insight, vous avez dit Insight ?

127a1e4be4c31744618c1d7ed63f3af3.jpgSi la chasse aux insights ne constitue pas – encore ? – une discipline olympique, elle n’en reste pas moins une des activités favorites des professionnels du marketing : j’ai donc voulu savoir ce qu’il s’en disait au sein de la blogosphère professionnelle.

Mais avant, un petit détour par les blogs de Madame Michu et Monsieur Toutlemonde s’imposait ! Car finalement, au delà de l’anglicisme marketing, c’est quoi, un insight ?

Un terme ambivalent renvoyant à la fois à une réalité ancienne, personnelle et profonde … et à une tendance moderne, façonnée par le marketing, plutôt passe partout.

Car Insight sert de marque aux produits les plus variés : « La marque Insight 51 est née il y a 10 ans en Australie sur les plages nord de Sydney. L’histoire a commencé avec la fabrication de planches de surf […], les fringues sont venues ensuite […]. Insight 51 est une marque décalée, un brin rebelle, très colorée », nous explique Comme un camion, « blog masculin depuis 2004 ».

Sinon, pèle mêle, on a droit à un lecteur de news pour Pocket PC –Spb Insight –, un logiciel de gestion de projets – Insight tout court –, sans oublier le « Systems Insight Manager » d’HP : l’informatique fait grand usage de l’insight … ou du moins du nom.

La réalité ancienne renvoie aux sources de pensée Bouddhique : « pour pouvoir avoir un « insight », l’esprit doit être libre et avoir de l’espace », selon le blog de … La pensee de Krishnamurti : on est proche de l’illumination, comme sans doute bien des chefs de produits souhaiteraient en avoir !

Comme Miss Zenhttp://zenacroquer.blogspot :

« Miss Zen s’est rendue à un workshop « insight consommateur ». Kezako ?

« Je vous explique: il s’agit d’un séminaire pendant lequel mes clients et moi analysons la parole des consommateurs et consommatrices.

« Je résume : les annonceurs (les marques) organisent des groupes « consommateurs » pour entendre votre avis sur tel ou tel produit. Ils enregistrent le tout. Ensuite, une personne hyper diplômée en sémiologie / sociologie / linguistique décortique tout ça et rend un petit rapport concis et « innovateur ». Généralement, les conclusions sont boulversifiantes : « La principale attente de la consommatrice de gel douche est le plaisir et le respect de la peau ». Généralement, le client est très content d’avoir investi beaucoup de temps et d’argent pour apprendre qu’on veut que ça mousse, que ça sente bon et que ça ne gratte pas !!!!! »

Pas très clair … mais il faut le reconnaître : même après avoir décortiqué les blogs des professionnels du marketing, ça ne le devient pas vraiment plus !

Et pourtant, le terme Insight se retrouve désormais partout : les directeurs d’études sont devenus « Consumer&Shopper Insight Manager », les offres d’emplois se multiplient, de l’Apec aux chasseurs de tête en passant par le site de sociétés les férues en marketing comme Coca Cola.

Selon les blogs, on parlera de « Consumer insight », d’« Insight consommateur », d’« Insight marketing » voire d’« Insight produit » … mais le plus souvent d’« Insight » tout court, sans que l’on sache ce que recouvrent réellement ces notions – et s’il existe des différences.

Certainement parce que la notion oscille entre deux acceptions – totalement discordantes – l’une quasi mécanique, l’autre presque magique !

Mécanique, l’insight renvoie aux fondamentaux du marketing et de la communication : ainsi Nekid martèle systématiquement : Brief / Insight / Solution / Résultats !

« Brief : Comment faire du bruit avec un budget entre 3 et 10 fois inférieur à ses principaux concurrents ! … Insight : Les salons automobiles n’attirent pas les fans de Mini ! … » … la suite, c’est une campagne de buzz, ou un événement, etc.

Mais encore une fois, jamais de définition, jamais de questionnement … ni de source : comment se trouvent les insights ? D’où sortent-ils ?

De nulle part, semble-t-il : et c’est là qu’on rentre dans la champ de la magie … ou presque ! Une publicité fondée sur un bon insight ne saurait être d’origine humaine – et l’on parle même d’« OVNI Publicitaire » !

D’un point vue sémantique, l’insight se qualifie alors nécessairement de manière superlative : on parle« d’insight juste et fort », un « insight produit fort », un « insight bien répandu ». Et le marketer ou le publicitaire qui le trouve, a comme une illumination … on se rapproche presque de l’insight Bouddhique !

D’autant que bien souvent, il semble suivre la création qui devrait en découler – et ainsi la justifier : évoquant un film primé au Festival de la Publicité de Méribel, ce blogueur précise :

« Certains lui reprochent de ne pas construire la marque ou de n’avoir aucun rapport avec le produit. D’autres comme la présidente du jury, Mercedes Erra, y voient un insight produit fort : le côté antidépresseur du chocolat ».

Bref, on créé … et puis on trouve l’insight !

On a une illumination … et ensuite, on rédige son rapport : Krishna first !

Nota : étude réalisée à l’aide du logiciel AMI Software et également publiée sur Intelligence Collective.

Deux expériences de relations clients

a6d400e137cabf9ff49c963e5f070b5c.jpgVous vous en doutez, l’une est satisfaisante, l’autre déplorable …

Plus amusant, l’une concerne une administration et l’autre une ancienne administration, aujourd’hui devenue société privée … Et les tenants du libéralisme souriront en espérant lire dans ce double exemple comment le passage au secteur privé améliore considérablement les services (ex)publics.

Perdu !

Il y a plusieurs mois, je annonçais mes déboires avec Gestion Communication, cette société de promotion organisant pour le compte de Coriolis Telecom, des loteries payantes … ce qui n’est pas encore vraiment légal de nos jours en France.*

Quelques lettres recommandées n’y ayant rien fait, j’ai donc décidé de me tourner vers la Direction départementale de la concurrence, de la consommation  et de la répression des fraudes de la Seine Saint Denis, à qui j’ai envoyé le 21 août 2007 – notez bien la date, en plein milieu des vacances – un mail exposant mon cas.

Deux jours plus tard – si ! – je reçois la réponse attendue :

« J’accuse réception de votre plainte (courriel du 21 août 2007 enregistré sous le n°2007-4139) contre la société GESTION ET COMMUNICATION sise 2 rue de la Montjoie à la PLAINE-SAINT-DENIS (93).

« Cette société vous a promis un téléphone portable comme prix d’une loterie commerciale.

« Je vous informe qu’à la suite de plaintes reçues dénonçant les pratiques commerciales litigieuses de cette entreprise, et après investigation, mon service a transmis à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny une procédure contentieuse sur le chef de publicité trompeuse (article L. 121-1 et suivants du code de la consommation).

« Je vous conseille par conséquent de saisir ce magistrat en précisant le numéro Parquet … »

Un : quand je disais que Gestion Communication était des escrocs, je n’étais pas le seul à le penser.

Deux : une société commerciale qui répondrait si vite et si pertinemment : vous en connaissez beaucoup ? Et sans artifice, comme le second exemple le prouvera.

Evidemment, j’ai saisi le Tribunal concerné ; mais là, on change de ministère, et c’est l’engorgement ! D’où la décision de Rachida Dati d’en supprimer un nombre conséquent pour développer … l’engorgement.

Du coup, escrocs à la petite semaine et prestataires peu respectueux des lois ont des beaux jours devant eux pour narguer le consommateur : d’ici à ce que leurs affaires arrivent en justice, ils auront plié bagage depuis longtemps.

Le second exemple concerne France Télécom qui m’envoie « bon d’achat fidélité » de 10 euros – sympa ! – que je me dépêche d’aller dépenser en commandant une clef USB, seul gadget à peu près intéressant à mon gré.

Pas disponible ! Une autre : bis repetita, comme disait mon prof de latin !

J’envoie un petit mail le 6 Janvier :

« Je reçois un bon d’achat fidélité n° VO09-P3345A6B9M de 10 euros, je me rends sur le site, commande une clef USB : pas disponible ; une seconde clef USB : pas disponible ; une Webcam : pas disponible.

« Evidemment, tous les produits chers sont disponibles.

« Est-ce une arnaque pour nous amener à dépenser plus ?

« Ou une erreur de votre part ?

« J’attends votre réponse pour la publier sur mon blog : http://www.marketingisdead.net ».

Désolé, mais je n’ai à ce jour, je n’ai rien à publier !

Ce qui ne veux pas dire que je n’ai pas reçu de réponse ! Si, quasi immédiatement :

« Nous transmettons l’ensemble de vos remarques au gestionnaire des offres commerciales sur notre site.

Nous sommes en effet tout à fait réceptifs à vos observations nous permettant d’innover et d’améliorer la qualité de nos prestations.

« Toute l’équipe de www.francetelecom.fr vous souhaite une bonne année 2008.

« Merci de votre confiance,

« Florence »

Qu’es-tu devenue, Florence ???

Que conclure, sinon que la privatisation des administrations de résout rien et que d’ailleurs, dans certains cas, l’administration est exemplaire là où les sociétés privées ne le sont pas.

Il n’y a pas si longtemps, il était de bon ton de se moquer de ces « diplodocus » qui appelaient encore « usagers » leurs clients : mais je connais aujourd’hui bien des clients qui aimeraient être traités comme des … « usagers » !

Moi le premier.

* Voir note du 25 Mai 2007. 

Innovation : cherchez l’erreur !

medium_spray_on_mud.jpgJ’ai récemment eu la curiosité de regarder sur Ciao1 ce que les consommateurs disaient des Produits de l’Année 20072 : tous ne sont pas commentés, mais j’ai quand même réussi à dénicher un dentifrice, des tampons périodiques et des couches.

Force est de reconnaître que les avis sont plutôt partagés : deux ou trois commentaires longs et élogieux – presque poétiques : à un tel point que l’on sent rapidement quelques doutes germer quant à l’authenticité de ces notes… Et d’autres, souvent plus brefs, mais plus cinglants :  

« Pour le dentifrice, l’aspect est plutôt bizarre, gélatineux, beurk ! »

Les tampons « puent, ils sentent exactement la même odeur que les produits que l’on met dans les WC ».

Cherchez l’erreur !

Première précision : les membres de Ciao ne constituent en aucun cas une communauté d’affreux publiphobes prêts à dégainer sur toutes les innovations : la nouvelle couche « conçue spécialement pour éloigner l’humidité de la peau » ne reçoit que des louanges… et un score moyen de 5 étoiles sur 5 !

Seconde précision : le terrain de l’étude des Produits de l’Année ne saurait être suspecté de malfaçons, pas plus que ne devrait être remise en cause la méthodologie d’ensemble de l’élection ; certes de nombreux produits ne concourent pas… simplement parce que leurs fabricants ne le souhaitent pas.

Les vrais questionssont ailleurs – elles sont de deux ordres.

D’ordre méthodologique, tout d’abord : les gens qui répondent aux enquêtes d’opinion sont-ils réellement représentatifs de la population étudiée ? Leurs réponses recoupent-elles celles des non répondants ? Impossible de savoir… La profession ne fera pas l’impasse d’une réflexion de fond sur le sujet : Web 2.0, c’est aussi un pavé dans la mare !

D’ordre sociétal, ensuite : l’élection des Produits de l’Année se fonde sur l’idée que l’innovation constitue la pierre angulaire du marketing ; et que sa capacité à sans cesse lancer de nouveaux produits exprime la bonne santé d’une marque – et en ce sens, il est logique de chercher à recueillir les suffrages des 10 000 panélistes constituant le jury.

Peut-être serait-il temps de se demander si l’innovation constitue – ou non – un réel vecteur marketing… ou en d’autres termes si les consommateurs s’en soucient réellement !

Certainement ceci explique-t-il que selon la société XCT, un nouveau produit sur deux soit un échec dans les deux ans suivant sa mise sur le marché3 ; estimation à rapprocher de celle d’Ernst & Young et ACNielsen, selon laquelle « 43 % des « véritables nouveaux produits » lancés en Europe sont un échec dans les 12 mois qui suivent leur lancement »4.

D’autres études apparaissent encore plus alarmistes puisque selon Jean-Claude Andréani, « en 10 ans, le taux d’échec des lancements d’un nouveau produit sera passé de 40% en moyenne pour les produits de grande consommation, les produits industriels et les services, à 95% aux USA et 90% en Europe ».5

Surtout, il conviendrait de se porter réellement à l’écoute des consommateurs : petit échange relevé au détour d’une récente réunion de groupe :

« Moi, j’ai acheté le produit élu Produits de l’Année…

« C’est du marketing, ces labels ! »

Marketing : dans la bouche des consommateurs, le terme ne désigne plus une profession, une fonction dans l’entreprise : il est simplement devenu péjoratif. Pouvons-nous nous en satisfaire ? Ou peut-être serait-il simplement temps de réinventer le marketing, plutôt que de nous contenter de sempiternellement appliquer des recettes d’hier…

16 parfums ont été lancés en France en 1976, 67 en 1990, 114 en 2000, 430 en 20036 : normal que le consommateur s’y perde et éprouve un vague sentiment d’inutilité face à une telle débauche d’énergie… inutile !

La véritable question ne serait-elle pas : qui est le véritable créateur des produits ? Celui qui le met sur le marché ? Ou celui qui lui donne du sens, lui confère une réelle valeur d’usage ?

Récemment, Bouygues Telecom équipait 200 panélistes d’un téléphone téléviseur : 70% des usages eurent lieu à domicile, les consommateurs détournant le produit en un récepteur d’appoint ! 

Le plus exemple demeurera toujours celui des SMS : vraiment aucun opérateur n’aurait osé miser sur un système de communication aussi pauvre ! L’asynchrone le plus basique à l’heure où l’on ne parlait que d’interactivi­té : et pourtant, les adolescents s’en sont saisi et lui ont conféré sa réelle valeur d’usage.

Chaque fois que la possibilité leur en est offerte, les citoyens détournent, transforment, affinent les produits et services les produits qui leur sont proposés… et surtout leur donnent leur véritable sens ! Alors pourquoi continuer à les inonder de pseudo innovations qui ne les amusent même plus ?

Pour éternellement appliquer les recettes du marketing de la demande : j’ausculte précautionneusement ma cible, je cherche les plus petits insights – les perles rares – et j’orchestre tout cela avec rigueur et passion… pour m’entendre dire : « bizarre, gélatineux, beurk ! ».

Il est temps d’instaurer un réel dialogue d’égal à égale avec les consommateurs – « Les marchés sont des conversations », disaient les auteurs du Manifeste des évidences7 – et de jeter les bases d’un marketing collaboratif.

PS – Le produit en photo, c’est… de la boue en bouteille à asperger sur les véhicules tout-terrain qui ne bougent pas du bitume de Londres, pour faire croire que l’on n’est pas juste un frimeur !

 

1 http://www.ciao.fr

2 http://www.produitsdelannee.com

3 http://www.emarketing.fr

4 Ibidem

5 Jean-Claude Andréani : Marketing du produit nouveau, in Revue Française du Marketing n° 182, 2001.

6 Pierre Musso, Laurent Ponthou, Eric Seuilliet : Fabriquer le futur 2, Dunod, 2007.

7 http://www.cluetrain.com

 


Citizen Insight et musique : Licite Fondation

medium_Licite1.jpgSuite à ma soirée au Gibus*, j’ai donc envoyé un petit questionnaire par mail au trois groupes vainqueurs du Jeudi 12 Avril : Licite Fondation m’a répondu quasiment par retour. Je vous livre leurs réponses sans commentaires… à vous de juger si elles corroborent le point de vue que je développe depuis un an ici même !

Licite Fondation, c’est donc J-F P.G – Lead guitar – et ES PALM – Bass ; ils seront au New Morning le 2 juin à 21h30 : allez-y, ça vaut vraiment la peine… et peut-être pourrons-nous aller boire un verre après, j’y serai bien évidemment !

MarketingIsDead : C’est quoi, la musique, pour toi ?

J-F P.G : La musique est avant tout une affaire de passion ; cette passion, nous la cultivons ensemble au sein du groupe ; elle nous rapproche, elle nous anime et nous la partageons et l’offrons à tout ceux qui nous écoutent et nous soutiennent.

ES PALM : Au risque d’exagérer je dirais que la musique est un élément vital dans ma vie, un élément de plaisir qui va au-delà de la simple distraction. Elle se décline de plusieurs façons : il y a la musique que j’écoute, celle que je joue et celle que je « supporte ». La musique je la vie, je la ressent dans les tripes, quelle me plaise ou non. J’ai la chance aujourd’hui de partager des moments musicaux avec d’autres musiciens et nous pouvons en faire profiter tous ceux qui l’aime aussi…

MarketingIsDead : Qu’est ce qui t’a pousse à  faire partie de ce groupe ?

J-F P.G : Le plaisir de jouer avec les autres membres du groupe, mais aussi la complicité qu’il y a entre nous lorsque nous jouons  sur scène.

ES PALM : Le plaisir d’écouter de la musique et d’autant plus fort lorsque l’on peut la jouer. J’ai d’abord pris quelque cours et quand j’ai arrêté, j’ai pensé que la meilleure façon de m’exprimer se serait de jouer dans un groupe. Le suite est toute simple : une réponse à une annonce sur le net, un essai… ça fait 2 ans et j’en suis ravi !

MarketingIsDead : Que penses-tu du marche de la musique, des maisons de disques et des producteurs ?

J-F P.G : Le marché et le commerce de la musique sont très saturés. Les maisons de disques etc. ont donc le choix ! Ce faisant, elles ne prennent pas en considération la personnalité des groupes ; en fait, elles transforment et adaptent un groupe pour qu’il soit vendu et soit rentable commercialement parlant quitte a modifier complètement la personnalité même d’un groupe. Par ailleurs, ne plus être propriétaire de nos titres pendant x années ou tout simplement appartenir à un label ou une maison de disques sans avoir le moindre espace de liberté est un concept qui me/nous dépasse totalement !

Licite Fondation garde donc sa liberté et ses droits vis a vis de ces compositions et, si un label ou autre souhaite travailler avec nous, il ne sera pas question de nous imposer quoique ce soit ! Nous sommes nous, avec notre personnalité, notre passion et nous comptons rester ainsi.

ES PALM : Le marché de la musique a toujours été, en grande partie question de mode, d’époque. Aujourd’hui je ne m’y retrouve plus. Les mouvements musicaux actuels sont loin de tous me plaire et je découvre « chaque jour » de nouveaux artistes qui viennent de sortir leur nouvel album !? Les disques sont trop chers, le choix compliqué si on ne s’y intéresse pas de prés. Les maisons de disque et donc les producteurs ne sont pas des philanthropes, le but est bien de faire de l’argent, des petits groupes comme le notre, ont du mal à trouver une place dans tout ça.

MarketingIsDead : Comment vois-tu l’avenir de la musique en France ?

J-F P.G : Il y a 2 types de musique en France. La musique kleenex commerciale diffusée sur les radios de connivence avec les boites de prod. etc.  et la musique « Underground » qui ne se reconnaît pas dans la diffusion massive commerciale.

Il y a ceux qui chantent (faux ou juste) dans un studio d’enregistrement et qui passent des heures, des jours et des mois à faire un produit très bien fini et très commercial pour chaîne Hi-Fi et il y a ceux qui font de la scène et qui expriment avec leurs tripes leur propre musique sans pour autant percevoir la moindre rémunération. Ces 2 systèmes ont toujours et continueront toujours a coexister

Les premiers sont gouvernés par l’argent, les seconds sont animés par la passion.

Licite Fondation appartient à cette seconde catégorie.

ES PALM : Je ne suis pas des plus optimiste, si il reste de nombreux musiciens, interprètes et groupes intéressant, une grande majorité ne me semble pas d’un grand intérêt. Un grand nombre de gens qui écoute de la musique via les radios, découvre sans arrêt des titres qui ne sont que des reprises et des adaptations. Cela me donne parfois l’impression que la création est devenue difficile ; où certains ce contente d’aller au plus simple.

MarketingIsDead : Et l’avenir du pop et du rock ?

J-F P.G : C’est l’essence même de la musique. Le blues, le jazz, le rock, la pop sont des genres immortels qui se renouvèlent sans cesse. Ces genres de musiques continueront toujours d’être omniprésents autour de nous.

ES PALM : La France n’a jamais été la patrie de la pop et du rock. La encore une spécialiste des reprises… Dans le monde il semble y avoir un renouveau dans le genre ; la pop ; le rock et le prog, ainsi que toutes leurs déclinaisons sont très représentés, aux states mais aussi beaucoup en Europe. Selon moi, les mouvements musicaux principaux ont vus le jour jusqu’à la fin des années 70, après, on a brodé autour.

MarketingIsDead : Que penserais-tu d’un système ou la musique serait gratuite sur le Net et ou les artistes gagneraient leur vie en tournant ?

J-F P.G : C’est ce que fait Licite Fondation (sans pour autant être rémunéré). Ce système nous convient parfaitement pour l’instant puisque nous diffusons déjà gratuitement nos titres sur le net, et nous diffusons nos CD à ceux qui viennent nous soutenir et nous encourager lors des concerts. Nous n’avons pas besoin de la musique pour vivre ; nous avons tous déjà notre activité professionnelle.

ES PALM : Je pense qu’il y aura toujours des gens intéressés par les disques, CD ou DVD originaux ; la gratuité sur le Net ne remet pas forcément en question l’industrie du disque. D’ailleurs il se passe quoi en ce moment, certaines personnes n’achètent plus rien, et ça a fait couler les maisons de productions ?

MarketingIsDead : Que penses-tu de cet avis de Johnny Hallyday : a « Légaliser le téléchargement de la musique presque gratuitement, c’est tuer notre travail » ?

J-F P.G : Comment un interprète tel Johnny Hallyday peut- il être objectif vis a vis de la musique libre ? Lui qui cherche par tous les moyens à échapper au fisc, quitte à changer de nationalité !

Johnny Hallyday est un sexagénaire corrompu par le système ! Pour lui musique est synonyme d’argent et commerce. Johnny Hallyday est d’un autre temps ; il ne peut pas comprendre le monde de la musique d’aujourd’hui ; il a quitté ce monde depuis longtemps déjà.

Par ailleurs, Johnny Hallyday n’est qu’un interprète ! Sa part de travail est donc très réduite comparée au travail fourni par l’auteur et le compositeur !

ES PALM : Notre « travail » c’est quoi ? Faire du pognon ou apporter du plaisir, voire du bonheur ? Quel risque y a t’il encore un fois, surtout pour quelqu’un comme Johnny, pour que les fans arrête d’acheter ses disques ? Par contre, le net pourrait permettre à certain d’écouter, de découvrir, avant d’acheter, pour les plus intéressé.

MarketingIsDead : Et de celui de David Bowie : « J’imagine que la musique changera pareillement dans son essence et sa fonction. Aussi accessible que l’eau et l’électricité, il ne sera plus indispensable de payer pour l’avoir et elle ne sera plus le bien exclusif de quiconque. Et l’originalité des artistes ne se fondera plus que sur le spectacle » ?

J-F P.G : David Bowie est déjà plus réaliste ! Sa vision de la musique et des groupes est déjà plus objective. Un groupe doit diffuser librement sa musique afin de conquérir du public et de préparer ses concerts. Chacun sait qu’un enregistrement studio est différent d’un concert !

Il y a plus d’émotion, plus de choses qui passent entre nous et le public lorsque nous sommes sur scène. Un concert n’est pas la copie conforme d’un enregistrement studio sinon à quoi bon aller voir un artiste en concert ?

L’originalité des artistes dépend donc de leur prestation sur scène sans oublier toutefois l’originalité de leurs compositions.

ES PALM : Je suis assez d’accord avec lui, et je rajouterais que c’est un privilège de jouer de la musique et de pouvoir la faire partager, si en plus elle peut nous permettre de vivre, c’est la cerise sur le gâteau…

* Voir ma note du 15 Avril 2007.

 

Citizen Insight : une soirée au Gibus

medium_manson.jpgQue sera demain le monde l’industrie musicale – non, le monde de la musique, car il n’est pas sûr qu’il demeure une industrie… et d’ailleurs, pour bon nombre d’artistes, il est et sera jamais qu’artisanat !

Aujourd’hui la polémique fait rage entre les opposants et défenseurs d’une musique libre de droits, largement diffusée sur le Net, versus la protection des fichiers musicaux via des systèmes de plus en plus sophistiqués de gestion numérique des droits, ou DRM : Digital Rights Management.

D’un côté les majors de l’édition musicale, et quelques distributeurs, qui vouent aux gémonies les réseaux de P2P et les jeunes qui téléchargent sans vergogne des millions de fichiers mp3, spoliant ainsi de malheureux artistes sans défense : au premier rang, coude à coude…

Pascal Nègre, président d’Universal Music France : « J’aimerais bien que les pouvoirs publics nous laissent le temps de mettre en place des systèmes de protection […] . Qu’on nous fiche la paix, qu’on nous laisse les installer ».1

… et Steve Jobs, président d’Apple selon un loi favorisant l’interopérabilité des fichiers musicaux ferait « s’effondrer les ventes de musique en ligne juste au moment ou les alternatives légales commençaient à séduire les clients » ; et de parler de « piratage sponsorisé par l’Etat ».2

De l’autre, 8, 10, 15 millions de jeunes – et de moins jeunes – abonnés à eMule, Gnutella et autres KaZaA… sans oublier les petits – mais prometteurs – derniers : BitTorrent et ses cousins ! Sans oublier ceux qui, sans même se connecter au Net, se contentent d’un rapide drag and drop pour récupérer en un instant quelques gigaoctets sur le disque dur de leurs copains.

Au milieu les indépendants qui, sans bien évidemment légitimer le P2P, présentent un discours plus modéré, Patrick Zelnik, président de Naïve, allant jusqu’à prôner la discussion avec ses opérateurs, et soulignant la responsabilité des majors : « Le premier danger pour l’industrie n’est pas la piraterie mais l’uniformité de l’offre ».3

Et d’autres distributeurs, comme la Fnac, qui dénoncent toutes les atteintes à l’interopérabilité – la possibilité donnée à tout un chacun d’écouter la musique qu’il achète sur le lecteur de son choix, et non nécessairement un baladeur spécifique comme dans le système iPod + iTunes :

« Pour une interopérabilité, la Fnac encourage les utilisateurs à graver des CD avec les morceaux téléchargés puis les encoder en mp3 afin que tous les lecteurs numériques puissent les lire. Des affiches dans les Fnac et une page sur le site explique d’ailleurs la procédure, assez étonnant quand on sait que cela fait sauter la protection DRM ».4

Les positions ne sont pas bloquées et les dernières semaines ont connu de redoutables retournements de situation – pour ne pas dire de veste – avec Steve Job acceptant de vendre sans verrou aucun l’intégralité du catalogue de la maison de disque EMI !5

Et les artistes dans tous ça ? Il y a ceux qui sont viscéralement opposés à toute légalisation du P2P, notamment dans le cadre d’une licence globale, de Johnny Hallyday : « Légaliser le téléchargement de la musique presque gratuitement, c’est tuer notre travail », à Maxime Le Forestier : « C’est un recul par rapport à Beaumarchais ».6

Et puis il y a David Bowie qui déclarait lors de la sortie de son album Reality : « J’imagine que la musique changera pareillement dans son essence et sa fonction. Aussi accessible que l’eau et l’électricité, il ne sera plus indispensable de payer pour l’avoir et elle ne sera plus le bien exclusif de quiconque. Et l’originalité des artistes ne se fondera plus que sur le spectacle ».7

Mais le futur de la musique et de l’édition musicale ne saurait se résumer à une bagarre juridique et financière entre opérateurs mondiaux : déjà, il y a eu les précédents des Artic Monkeys ou Clap Your Hands Say Yeah qui se sont hissés au sommet des charts simplement après avoir mis plusieurs de leurs en téléchargement gratuit sur le Net.8  

Mais pour réellement appréhender le futur de la musique, il convient avant tout d’appliquer une démarche curieuse… et d’aller là où elle se crée, de regarder autour de soi, écouter. Une démarche de type Citizen Insight –d’immersion totale… sans a priori, sans contraintes. Aller au devant des artistes… pas des Johnny, Maxime et autres David : de ceux qui n’ont pas encore pressé d’album, se débrouillent par eux-mêmes, sans maison de disque.

Il y a des tas d’endroits à Paris où passent de tels artistes : généralement, les marketers découvrent ce qui se passe dans de tels lieux « branchés » en parcourant des rapports de tendance, des études où quelques trends setters dévoilent les lieux étranges d’une vie nocturne nécessairement passionnante mais marginale.

Un conseil : ne vous contentez plus de lire le reporting – certes très riche – des sociétés d’études ! Vivez : pratiquez une démarche de type Citizen Insight et découvrez la « vraie vie »… si, si, elle existe !

Evidemment la vraie vie nécessite parfois de passer le périphérique – et de faire la queue dans un Lidl de Montreuil ; pour la musique, si vous ne vous sentez pas l’âme aventureuse des concerts rap du 93, allez faire un tout par exemple au Gibus, près de la place de la République.9

Régulièrement, Emergenza y organise des concours : des artistes plus ou moins débutants ont 30 minutes pour convaincre… avant le vote à main levée : les vainqueurs se produiront ensuite au New Morning. Le Gibus n’est que la première des 5 étapes d’un long parcours du combattant qui conduira les meilleurs à la grande finale internationale de Rothenburg, un petit village allemand.

« Emergenza est né il y a quinze ans, en Europe, d’un groupe de musiciens passionnés ayant besoin de s’exprimer », nous apprend son site Internet10 : on est loin de la Star Academy ! Pas de paillettes, seulement la fièvre de caves enfiévrées comme le Gibus et la passion des milliers d’artistes !

Jeudi 12 Avril, 8 groupes concouraient pour trois places au New Morning – la seconde étape : voici le site des 3 gagnants :

Licite Fondation : http://perso.numericable.fr/~nathduma/index.htm, avec 96 mains levées !

Oniromancy : www.oniromancy.com, 85 votes.

Naissance 21 : http://www.naissance21.fr.tc/, 76 votes.

Et ces artistes, que pensent-ils de la musique en France, aujourd’hui… et demain ? Enfin de la musique pop, celle que j’aime bien, moi aussi ? A la fin du concert, j’ai été leur demander leur mail… je vous tiendrai au courant.

En attendant, n’hésitez pas à aller les écouter au New Morning – ou ailleurs !

Et notez enfin que le 5 Juin, Marilyn Manson sera à Bercy ; et le 11 Juin, les White Stripes seront au Zénith. Le printemps s’annonce chaud !

1 http://bigbrotherawards.eu.org

2 http://www.lemondeinformatique.fr

3 http://www.chorus-chanson.fr

4 http://www.presence-pc.com

5 Voir note du 04.04.2007.

6 http://www.volubilis.net

7 http://libération.fr

8 Voir note du 13.05.2006.

9 18 rue du Faubourg du Temple

10 http://www.emergenza.net/fra/default.asp

 

Du Consommacteur à l’Empowered Consumer

medium_casseur.jpgConsommacteur : magnifique mot valise – valise et fourre-tout, de surcroît ! Le consommateur acteur : mais acteur de quoi ?

Le terme est né de l’alter consommation et du commerce éthique, avant d’être détourné par le marketing qui se l’est indûment approprié… en le dévoyant fortement.

Le consommacteur originel présente un côté militant pouvant déboucher sur des actions énergiques, comme le boycott de marques non citoyennes : « Vous verrez […] que les grandes marques (plus chères) que vous connaissez appartiennent toutes à des groupes mondiaux, possédés par des actionnaires de tous pays, et produisant dans des pays à bas coût. A éviter donc », lit-on sur un tract : Devenez un Consommacteur !(1)

L’idée est que si une mondialisation effrénée ruine notre planète – et notre humanité –, les citoyens peuvent se mobiliser et réagir : qu’ils reprennent leur destin en main et que consommateurs passifs, et se muent en acteurs de leur consommation. Nike détruit des emplois en Europe en exploitant des enfants en Chine ? Refusons son impérialisme économique.

Inversement, le commerce équitable garantit une existence décente à des paysans défavorisés ? Soutenons les projets responsables et achetons le café labellisé Max Havelaar.

Le marketing ne participe évidemment pas d’un mouvement alternatif qui en dénonce les dérives les plus flagrantes, comme dans le livre de Naomi Klein : No logo, explicitement sous titré : La tyrannie des marques !(2) ; un mouvement pouvant déboucher sur l’activisme radicale des « casseurs de pub ».

Vu sous cet angle, consommacteurs et marketers ne sauraient faire bon ménage… même si certains s’interrogent : « No Logo est un livre qui m’a marqué ; je travaille en marketing et en design graphique, et je ne cesse de me demander si nous pouvons vivre de ce genre de métier sans avoir du sang sur les mains », peut-on lire sur le site de Radio Canada(3).

Tout au plus, le marketing y aura-t-il discerné une tendance sociétale plus profonde : la résurgence des valeurs de l’être versus le paraître, liée à un besoin croissant d’expression de soi. La mondialisation galopante conduisant à une nécessaire uniformisation – une lobotomisation – culturelle, les gens ressentent un impérieux besoin d’affirmer leur personnalité, marquer leur identité.

En mal de différenciation, les marques vont surfer sur la vague, les nouvelles technologies leur fournissent un support inespéré. Nike s’engouffre ainsi rapidement dans la brèche, en lançant son site Nikeid(4) : il est vrai que le leader américain a eu à subir les foudres des consommacteurs de la première génération, Michael Moore en tête qui débarque un jour dans le bureau Phil Knight, caméra sur l’épaule, et lui demande tout de go s’il sait que des enfants de moins 14 ans fabriquent les chaussures dans son usine en Indonésie.

Les nouveaux consommacteurs pourront, quant à eux, customiser les leurs sur Internet en choisissant la couleur, en précisant le nom qu’ils souhaitent y voir inscrit, etc.

A un consommacteur militant et solidaire, les marques opposent donc un nouveau consommacteur nettement individualiste, et à la créativité fortement bridée – elle ne s’exprime que dans un cadre très étroit et nécessairement préformaté. Le néo-consommacteur apparaît donc bien comme un pur produit marketing – un pseudo acteur !

Un nouveau consommacteur qui s’en va hanter les colloques et la presse professionnelle : « Libres variations sur des thèmes, les motifs contemporains sont porteurs du dynamisme d’un « consommacteur » qui attend des designers une nouvelle créativité, rien que pour lui », découvre-t-on dans Stratégies(5). Et la profession d’expliquer à la profession comment créer des produits qui laisseront croire à leurs clients qu’ils en sont les créateurs !

Evidemment, un tel discours ne séduit que ceux qui y croient… mais pas vraiment les consommacteurs supposés ! Ainsi le webmaster de Nike de recevoir la demande d’un internaute américain d’inscrire sur ses chaussures le mot « sweatshop » pour « rappeler l’effort et le travail des enfants qui ont fabriqué mes chaussures »(6). Refus embarrassé du fabricant qui découvrira avec stupeur la publication de ses réponses gênées sur divers sites et forums !

L’erreur du marketing aura été de croire que l’on pouvait traiter les consommacteurs comme de simples consommateurs, une cible émergente – des consommateurs as usual, avec de nouvelles motivations : auto expression, communication asynchrone, etc. Un peu comme les Activistes(6) d’hier privilégiaient hier leur élitisme au travers de marques identitaires : suffit alors de segmenter et adapter son offre.

Sauf que les nouveaux consommacteurs ne respectent pas les lois fondamentales du marketing, à savoir choisir au sein de propositions de plus en plus variées, celle qui leur convient le mieux. Ils ne comptent plus sur les marques pour leur permettre d’agir : ils agissent, point barre !

Ils ne se contentent plus d’illusions – d’une vie par procuration au travers des marques : ils reprennent leur destinée en mai, non pas parce qu’ils en ont soudain envie… mais simplement parce qu’ils disposent enfin des moyens pour !

Et là encore, les annonceurs l’ont appris à leurs dépends. Free, par exemple : début septembre 2005, Stéphane lance Freepouille, un blog pour raconter au quotidien ses déboires avec son fournisseur d’accès Internet ; un mois après, son audience explose – plus de 1500 visites hebdomadaires – et cela dure jusqu’à ce qu’enfin, fin novembre, une solution soit apportée à son problème.

Un an plus tard, son blog ne contient plus qu’une unique page de conseil : « J’avais écrit ce blog pour faire pression sur Free et d’une certaine façon, cela a porté ses fruits […] Mais plutôt que d’effacer complètement ce blog, je préfère ne laisser en ligne que cette note, dans laquelle je vais essayer de faire partager ma – petite – expérience… ». Ce qui ne l’empêche pas de totaliser aujourd’hui plus de 50 000 visites !

Le cas d’école reste celui des antivols Kryptonite : le 14 septembre 2004, le blog Engadget, un des plus populaires aux Etats-Unis, publie la note suivante : « Much to our surprise, we were able to hack our Kryptonite Evolution 2000 U-Lock with a ballpoint pen. This $50 lock is supposed to be one of the best for « toughest bicycle security in moderate to high crime areas » — unless the thief happens to have a Bic pen » ; une édifiante vidéo accompagne la note.(9)

L’histoire fait rapidement le tour des blogs et des médias et, après un pesant silence de quelques jours, la société incriminée suspend la production du cadenas défaillant, puis en offre le remplacement… une affaire qui lui coûtera la bagatelle de plusieurs 10 millions de dollars de pertes.

Résumons : le consommacteur #1 apparaît comme un militant du développement durable de la première heure ; le consommacteur #2, comme un vulgaire ersatz, un pur ectoplasme marketing.

Et le consommacteur #3, comme un citoyen lambda – ou presque – qui utilise au mieux les nouveaux outils technologiques dont il dispose : Stéphane n’embrasse d’autres causes que la sienne et ne se bat que jusqu’au jour où il obtient réparation ; par contre, les dégâts collatéraux apparaissent bien souvent irréversibles.

C’est pourquoi je ne parlerai plus de consommacteur le concernant, mais d’Empowered Consumer : un consommateur rendu plus puissant par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ; et qui sait user de son nouveau pouvoir, les fameuses NTIC dont se gargarisaient les spécialistes de la Nouvelle Economie au plus fort de la Bulle Internet.

Bien sûr, dans la vie quotidienne, tout cela se traduit par des pratiques bien plus banales, mais irréversibles. Ainsi tous les ans depuis mon arrivée dans le groupe Thomson, j’étudie l’évolution des comportements d’achat des acheteurs de produits d’électronique grand public. Les premières années, la démarche apparaissait intangible : quelques visites en magasin, les tests de la FNAC, les éventuels conseils d’amis… avant l’ultime rendez-vous au cours duquel un vendeur adroit savait toujours guider leur choix dans le sens de ses propres intérêts.

Il y a deux à trois, tout a basculé : première étape, une recherche plus ou moins précise sur Internet pour découvrir… les prix les plus bas, puisque les comparateurs de prix apparaissent toujours en tête des sites référencés par Google. Seconde étape, on affine : tel téléviseur dispose de deux prises HDMI : c’est quoi, ça sert à quoi ? Et on repart sur Google, puis de forum en chat, on se fait une petite idée.

Dès lors, la visite en magasin change du tout : notre client exige les prix les plus bas, et le vendeur a beau argumenter – non seulement, il y a 4 prises USB, mais aussi une prise Firewire –, ce dernier n’en a cure. Pire, il saura lui démontrer que, franchement, la prise Firewire, elle ne lui servira pas à grand-chose : non, ce qu’il veut, c’est cet ordinateur-là, à ce prix-là. Point barre !

D’autant qu’il sait parfaitement que le vendeur est intéressé aux résultats, que son bonus dépend uniquement de certains produits, ceux à fortes marges, pour le distributeur s’entend ; de même qu’il décode parfaitement les campagnes publicitaires, sait discerner les gadgets marketing des réelles avancées techniques, etc. Il regarde la télévision : Culture Pub, Capital et autres émissions économiques.

Mieux informé, mieux outillé, l’Empowered Consumer s’est emparé du pouvoir : il n’est pas près de le lâcher !

Evidemment le marketing actuel est caduc : marketing is dead !

Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras : cela signifie que plus rien ne sera comme avant. Et surtout que les entreprises qui tenteront de s’adresser à cet Empowered Consumer en croyant pouvoir lui parler le langage factice du consommateur #2 se préparent des lendemains difficiles.

L’Empowered Consumer n’est pas un nouveau subterfuge marketing : c’est une réalité forte, une équation nouvelle dont il faudra savoir tenir compte.

(1)www.familoo.com/familoo/RepFiles/3896536872/DevenezunConsommacteur.doc

(2)Naomi Klein : No logo.

(3)www.radio-canada.ca

(4)http://nikeid.nike.com/nikeid/

(5)http://www.strategies.fr/archives/1335_2/1335_203801/dossier_vous_avez_un_motif_.html

(6)François Laurent : La Grande Mutation des Marques High Tech.

(7)Bernard Cathelat : Les styles de Vie des Français.

(8)http://freepouille.blog.01net.com/

(9)http://www.engadget.com/

Palo Alto et après… Systèmes instables et permanence

L’école de Palo Alto

On réunit sous ce vocable le groupe de chercheurs de multiples origines scientifiques réunis sous l’impulsion de Gregory Bateson dans cette petite ville de la banlieue sud de San Francisco pour jeter les bases d’une psychologie et d’une thérapeutique fondées sur l’analyse des relations interpersonnelles – et non sur celle des seuls individus, comme dans le cas de l’analyse Freudienne.

Pour Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson et leurs collègues, nous évoluons à l’intérieur de plusieurs systèmes différents qui se recoupent partiellement : famille, relations de travail, amis, etc. : « Dans une famille, le comportement de chacun des membres est lié au comportement de tous les autres et en dépend. Tout comportement est communication, donc il influence les autres et est influencé par eux »*.

D’un point de vue thérapeutique, impossible d’isoler un membre de sa famille pour le soigner, non seulement parce que sa maladie résulte de sa position au milieu des siens, mais parce qu’elle façonne leur existence même, d’où un équilibre difficile à rompre. Jackson « a observé que si l’état d’un malade s’améliorait, cela avait souvent des répercussions catastrophiques dans la famille du malade mental (dépressions, épisodes psychosomatiques, etc.) ; il a supposé alors que ces comportements, et peut-être tout aussi bien la maladie du patient, étaient des « mécanismes homéostatiques » qui avaient pour fonction de ramener le système perturbé à son état d’équilibre ».

Quatre principes fondamentaux caractérisent les systèmes sociaux. Celui de totalité les distingue de simples agrégats d’individualités indépendantes : « Les liens qui unissent les éléments d’un système sont si étroits qu’une modification de l’un des éléments entraînera une modification de tous les autres, et du système entier ».

Celui de rétroaction dépasse la simple notion de feed back en inscrivant chaque action au centre d’une chaîne infinie de réactions, positives – et c’est l’effet boule de neige, chaque réaction gagnant en intensité par rapport à la précédente –, ou négatives – par soumission d’un individu à l’autre.

Celui d’homéostasie : tout système s’autorégule selon un équilibre qui lui est propre ; toute action tendant à une modification de cet état de stabilité entraînera ipso facto un ensemble de réactions destinées à le restaurer : la guérison d’un membre de la famille déclenche la maladie d’un autre.

Celui d’équifinalité enfin souligne la prééminence du système : des causes initiales identiques peuvent déclencher des résultats différents, de même que des causes initiales divergentes peuvent aboutir au même résultat, le but ultime consistant en la conservation du système.

Chaque individu participe donc de plusieurs systèmes qui se chevauchent plus ou moins. Son comportement pourra différer d’un système à l’autre, puisque ses actes dépendent de la relation qu’il entretient avec les autres membres du groupe concerné : tel employé de bureau docile se révélera un mari autoritaire à la maison, et un agréable compagnon à l’heure de l’apéritif.

Enfin d’éventuelles interactions entre systèmes voisins sont possibles : un individu refusera d’acheter le manteau que lui conseille son épouse, quitte à se le voir reprocher plus tard, par peur de paraître ridicule au bureau ; bien des familles se composent de groupes hétérogènes, physiquement très éloignés, et n’interagissant entre eux que par l’intermédiaire des éléments les plus mobiles.

Palo Alto, du 19ième au 20ième siècle

Deux traits fondamentaux caractérisent les systèmes dévoilés par Palo Alto : leur permanence et leur ouverture.

Permanence – Le fondement même de la théorie : les quatre principes de base, codifiés avec précision – totalité, rétroaction, homéostasie, équifinalité –, ne visent qu’à la permanence des communautés. Que leurs membres ne les respectent pas et tout s’écroule : imaginez un bureau où un employé s’ingénie à réfuter l’autorité de ses supérieurs – à la porte ! imaginez une société où l’autorité des dirigeants se trouve sans cesse remise en cause – c’est la faillite assurée !

Evidemment la pression qui pèse sur chacun des participants apparaît immense : impossible parfois d’exprimer de sincères opinions, de répliquer trop instinctivement, ou inversement de réprimander ; d’où parfois des actes manqués qu’il conviendra de négliger, des non dits par trop loquaces, voire des agressions indirectes – le petit nouveau qui « flingue » à tout va, juste pour briller…

Ouverture – Heureusement, nul ne se retrouve enfermé au sein d’un seul système : nous naviguons avec (plus ou moins grande) aisance d’une communauté à l’autre, quittant notre bureau pour le restaurant où nous attendent des amis, retrouvant avec joie le soir notre famille, etc. Et même dans la société où nous travaillons, nous pouvons nous évader quelques instants de notre service pour échanger avec des collègues d’un autre département.

Souvent, des systèmes se désagrègent, parfois brutalement, parfois insidieusement : nous démissionnons de notre job « parce que nous avons besoin d’un peu d’air frais » – mais le système s’adaptera, il survivra sans nous en embauchant un remplaçant. Un ménage sur deux divorce à Paris, mais la mésaventure sera d’autant mieux surmontée que les autres systèmes où nous nous mouvons – travail, amis, famille, etc. – nous soutiendront… en fait, qu’elles nous assurerons une permanence transitoire là où une communauté explose.

L’ouverture entre système assure donc la permanence de l’ensemble.

Les communautés de la France paysanne du 19ième siècle respectaient les même principe de totalité, rétroaction, homéostasie et équifinalité – condition sine qua non de leur permanence : et en ce sens, l’analyse de Palo Alto s’enracine dans une très longue tradition.

Par contre, l’ouverture faisait le plus souvent cruellement défaut – cruellement à nos yeux, s’entend. Difficile de quitter son village, sinon sans espoir de retour, ou pour de longues périodes, équivalent plus à des ruptures qu’à des ouvertures : quand le conscrit partait à l’armée, il ne naviguait pas d’une communauté – son village – à une autre – l’armée – mais quittait temporairement un système pour un autre : il ne pouvait récupérer le soir au sein de sa famille des brimades de son adjudant.

La vie de village était codifiée à l’extrême, l’autorité – les autorités – en régentant le quotidien : maire, curé, instituteur imposaient un ordre très strict que tous respectaient sous peine de se voir imposer la pire des exclusions – l’exclusion de la communauté à l’intérieur de la communauté elle-même.

L’extrême stabilité de tels systèmes ne peut qu’en renforcer l’oppression. Autre type de système fermé, le pensionnat, pétrifiait les adolescents qui le fréquentait, les maîtres d’internat organisant la répression contre toute forme de rébellion ; mêmes remarques pour le service militaire, etc. Car nul besoin de souplesse ici pour conserver son pouvoir – de quasi droit divin – et ses ouailles : nul ne peut réellement s’échapper, sinon définitivement.

Le 20ième siècle, avec le développement des communications – routes, voiture, train, avion, métro, etc. – et des télécommunications – téléphone fixe, puis mobile, la radio hier, Internet aujourd’hui – a considérablement favorisé l’ouverture des systèmes, optimisé le passage inter structures. Et ce faisant, considérablement renforcé la permanence des systèmes élémentaires – l’entreprise, la famille, les cercles d’amis – et celle surtout celle du système d’ensemble – la société où nous vivons, notre civilisation.

Palo Alto et après

Un blog constitue-t-il la base d’un système – dans l’acception de Palo Alto s’entend ?

Celui-ci, plus ou moins. Du moins, tant que je m’en occuperai activement et en garantirai de mon mieux la permanence. Il s’inscrit au cœur d’une communauté d’amis, qui partagent peu ou prou ma vision de la société de consommation, du marketing, de la communication ; avec certains d’entre eux, nous souhaitons même ambitieusement jeter les bases d’un nouveau marketing – ou plutôt d’un Post Marketing.

La rétroaction demeure encore pauvre, de même que l’équifinalité, mais elles existent : quand un internaute poste un commentaire, il y a bien rétroaction ; quand un autre attache l’adresse de son propre blog à une réplique lapidaire, il y a bien équifinalité : il ne me répond pas, il ne cherche qu’à capter une part de l’audience.

Mais que dire des millions de blogs d’adolescents qui fleurissent continuellement sur Skyrock ?

D’aucuns les comparent à autant de journaux intimes soudain portés sur la place publique – un comble pour des journaux intimes ! Et pourtant, ce n’est pas totalement faux : on pourrait croire à un réseau d’échanges entre copains ; sauf que chacun aura le sien, que les frontières se révèlent extrêmement floues, les interactions chaotiques, et que tout cela ne s’inscrit que dans une très hypothétique durée.

Les blogs bafouent les fondamentaux de Palo Alto ; les SMS également : « Envoyer un SMS, c’est juste dire à un copain que je pense à lui sans avoir besoin de l’entendre me répondre : moi aussi », commentait récemment un jeune : le SMS fonde la communication asynchrone, sans immédiate rétroaction – et c’est une des clefs de son succès.

Et les flash mobs ? Un flash mob, c’est une sorte d’happening improbable : 50, 100, 200 personnes qui ne se connaissent pas, ne se reverront peut-être jamais, et qui se retrouvent soudain en un même lieu pour exécuter la même action totalement inutile au même instant : applaudir pendant 30 secondes, regarder en l’air. C’est parti de New York, on en a vu à Boston, Minneapolis, San Francisco, avant de débarquer à Rome, Londres et Paris où quelques cent personnes ont brandi des panneaux représentant d’immenses lunettes de soleil.

En d’autres termes, apparaissent de nouveaux systèmes réfutant toute idée même de permanence.

Permanence dans la non permanence

Se dirige-t-on vers une civilisation de la non permanence, de l’éphémère, du transitoire, de l’instable ? Vers une société asystémique – une non société, en quelque sorte ?

Inutile de consulter sa boule de cristal, l’horizon temporel à envisager serait bien trop vaste : de tel bouleversements embrassent des dizaines, voire des centaines d’années – même au siècle d’Internet. Même à ne considérer que les jeunes générations, les plus aptes à tout chambouler : ainsi même si ces derniers rejètent de plus en plus les marques, montrent une sensibilité exacerbée à l’éthique, il n’en demeure pas moins que, même parmi eux, les marques occupent une part de marché supérieur aux non marques ; et que le commerce équitable demeure marginal.

Et puis, des étapes transitoires apparaissent nécessaires. Prenons justement l’exemple des marques et des non marques : de plus en plus de consommateurs acceptent d’acheter des produits de marques inconnues… mais dans des enseignes connues ; ou sur Internet… des produits de marques connues. Peu ont franchi totalement le pas pour se lancer dans l’inconnu, même si le mouvement paraît inéluctable.

La non permanence s’est révélé en fin de vingtième siècle par le développement de structures d’accueil transitoires, comme le Point Ephémère, quai de Valmy à Paris : « Ce centre de dynamiques artistiques a ouvert le 13 octobre 2004 pour une durée de vie programmée de 4 années. Il met en place les moyens nécessaires à la résidence d’artistes (plasticiens, musiciens, danseurs, scénographes) et des outils de reconnaissance publique de leur travail »**.

Les artistes qui transitent dans ces lieux espèrent que leur œuvre, elle, s’inscrira dans la durée.

Se développe aujourd’hui une autre forme de non permanence, fondée à l’inverse sur des espaces stables accueillant des systèmes instables : la plate-forme Skyblog héberge aujourd’hui plus de 4 millions de blogs – plus de 4 millions de systèmes de communication asynchrone, totalement erratiques, et plutôt réservés aux adolescents. Mais pour les adultes ?

« Vous voulez monter le blog de votre rue, trouver une baby-sitter, disputer un match de foot amateur, apprendre à cuisiner thaï, organiser un bœuf avec les musiciens du quartier, trouver quelqu’un pour réparer votre ordinateur ? » : rendez-vous sur peuplades.net. Le site constitue la structure d’accueil stable et permanente d’une kyrielle de communautés plus ou moins éphémères, plus ou moins structurées, plus ou moins spontanées, plus ou moins publiques – du plus sérieux : Soutien scolaire dans le 18ième arrondissement, au plus futile : Happening « Pique-Nique Géométrique au Champ de Mars ».

Avec cet Happening, nous glissons vers le flash mob déjà évoqué et peuplades.net évoque alors ici parismobs.free.fr, flashmob.com et autres flash-mob.de, avec encore plus de spontanéité – la plate-forme accueille tout groupement, sans a priori – et d’éphémère – éventuellement, rien n’étant défini par avance et codifié comme tel par le site.

Nous pourrions également évoquer le succès de La Nuit Blanche, à Paris, puis dans d’autres capitales, la mairie de la capitale, structure pérenne, favorisant l’émergence d’événements nécessairement provisoires.

Structures permanentes versus communautés instables

Autorité et codes ont longtemps assuré la permanence et la survie des systèmes fermés de civilisations essentiellement rurales ; l’ouverture entre systèmes, propre à la civilisation du 20ième siècle, en garantit la stabilité et la continuité tout en levant considérablement les contraintes liées à l’autorité et aux codes.

Aujourd’hui, nous basculons dans une civilisation où cette notion même de permanence devient moins centrale – une civilisation qui ne se fonde plus sur une nécessaire stabilité, d’où le développement exponentiel de modes de communications asynchrones : SMS, blogs, e-mails, etc.

En cette période nécessairement incertaine, se développent des pratiques transitoires, liant la stabilité d’un espace – même virtuel – et la fugacité de pratiques : là réside un champ d’investigation capital pour anticiper ce que sera la société de demain.

* Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson : Une logique de la communication, Editions du Seuil, 1972.

** http://www.pointephemere.org/index.html

*** http://www.peuplades.net/paris/